Mariusz BŁASZCZAK: 18e bataille la plus décisive de l'histoire

fr Language Flag 18e bataille la plus décisive de l'histoire

Photo of Mariusz BŁASZCZAK

Mariusz BŁASZCZAK

vice-Premier ministre, ministre de la défense.

Ryc. Fabien CLAIREFOND

Autres textes disponibles

.”Si la bataille de Varsovie s’était terminée par la victoire des bolcheviques, ç’eût été un tournant dans l’histoire de l’Europe, car il ne fait aucun doute qu’avec la chute de Varsovie, l’Europe centrale eût été en proie à la propagande communiste et à l’invasion soviétique”. C’est en ces termes qu’Edgar Vincent D’Abernon, diplomate britannique, membre de la Mission alliée en Pologne et témoin de la guerre polono-bolchevique, commentait, en août 1920, le moment crucial de la guerre livrée à l’Armée rouge envahissante. C’était en référence à ce qui allait désormais porter le nom de « Miracle de la Vistule ». Point culminant de combats acharnés entre la République de Pologne renaissant après des décennies d’asservissement et la Russie bolchevique, la bataille a façonné le destin de l’Europe. Le mot d’ordre du futur maréchal de l’URSS, Mikhaïl Toukhatchevski: « Au-delà du cadavre de la Pologne blanche brille la voie de la conflagration mondiale. À la pointe de nos baïonnettes, nous apporterons le bonheur et la paix à l’humanité laborieuse. À l’ouest ! » ne s’est heureusement jamais matérialisé.

C’est grâce à l’attitude héroïque du soldat polonais, à l’énorme tribut de sang et aux privations de la société qui venait de vivre la géhenne de la Première Guerre mondiale, qu’on est parvenu à garantir la paix et la sécurité en Europe – au moins jusqu’à ce qu’un autre régime totalitaire ne soulève la tête en Allemagne.

Face à la guerre en cours en Ukraine, on ne peut ne pas voir les similitudes avec le conflit polono-bolchevique. Cent années ont beau s’être écoulées, mais une chose n’a pas changé : l’agresseur. En 1920, la Pologne a affronté avec succès l’agression bolchevique, aujourd’hui l’Ukraine fait de même face aux forces russes. Dans les deux cas, la menace a la même source. L’empire russe, la Russie bolchevique, l’Union soviétique et la Fédération de Russie d’aujourd’hui – chacun de ces régimes visait une expansion impérialiste au détriment de la souveraineté des autres nations. Pour justifier les barbaries de l’impérialisme russe, Moscou, à chaque fois, invoquait la nécessité de contrer une menace imaginée. D’où les termes utilisés : aide fraternelle, protection des populations autochtones, unification ethnique des territoires, croisade idéologique.

Sauf que les propagandistes du Kremlin oublient que l’URSS communiste dans son action criminelle ne le cédait en rien aux nazis. Aujourd’hui, cet État avec sa symbolique sont honorés durant chaque anniversaire de ce qu’on appelle en Russie « la Grande Guerre patriotique », en l’assimilant à la Seconde Guerre mondiale, bien qu’elle ait commencé en 1941 par l’agression de l’URSS par l’Allemagne nazie. On passe sous silence l’agression de la Pologne par l’URSS le 17 septembre 1939, l’invasion soviétique de la Finlande en 1939, l’annexion de la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie en 1940 ou l’occupation de la Roumanie orientale en 1940 et celle de la Crimée en 2014, et enfin l’agression de l’Ukraine le 24 février de cette année.

L’histoire a fait donc un tour complet, mais la mondialisation et le développement technologique, avec comme corollaire la démocratisation des sociétés, ont depuis refaçonné le système mondial de sécurité. Au XXe siècle, l’expérience de deux guerres mondiales et de nombreux autres conflits, sans parler de la période de la guerre froide et la naissance de l’Otan, a complètement remodelé ce qu’on appelle le système de sécurité globale. Le conflit en cours en Ukraine s’est en partie transformé en un conflit entre la Russie et le monde libre. Les États démocratiques affrontent l’agression émanant d’un pays qui depuis le début de son existence a contesté le droit des autres nations à l’autodétermination.

L’agression de l’Ukraine nous fait prendre conscience que la Russie ne s’inscrit dans aucune des règles de la coexistence pacifique, du partenariat ou du respect du droit international. Aujourd’hui, à l’est de l’Europe, les démons d’antan se sont réveillés – ce qui devait être un avertissement pour les générations suivantes, un avertissement contre l’extrémisme politique, les ambitions impérialistes et le culte de la force, revient sous forme d’images atroces de Boutcha ou Irpine.

Dans la situation actuelle, chaque État responsable et réaliste doit être préparé à faire face à n’importe quel défi, qu’il soit militaire ou politique, qui peut venir de l’est. Pour ce qui est de la sécurité de la Pologne et de la région, l’Armée polonaise joue un rôle particulier – c’est elle qui protège la souveraineté et l’intégralité territoriale de l’État, tout en étant la gardienne du flanc est de l’Otan. Depuis plus de vingt ans, nous sommes membre de l’Otan – la plus ancienne, la plus grande et la plus efficace alliance défensive dans l’histoire de l’humanité. Cette internationalisation de la sécurité, avec le renforcement constant de notre potentiel national, sont notre assurance. Et il suffit de voir l’efficacité et la bonne évaluation de nos missiles antiaériens Piorun, nos obusiers automoteurs Krab ou encore de nos fusils d’assaut Grot – tous ces équipements viennent de passer leur test sur un champ de bataille en Ukraine justement, car ils font partie de l’aide militaire polonaise accordée à notre voisin dont le montant a depuis longtemps dépassé 1,7 milliards de dollars, ce qui place la Pologne parmi les leaders mondiaux en termes de donations à l’Ukraine.

La situation géopolitique qui se dégage, et surtout la guerre en Ukraine, ont accéléré la modernisation conséquente et profonde de l’Armée polonaise ainsi que le renforcement de ses effectifs. La Pologne est l’un des rares pays de l’Otan qui d’ores et déjà consacre plus de 2,2 % du PIB à la défense – et l’année prochaine ces dépenses dépasseront 3 % du PIB polonais. C’est grâce à une politique de planification responsable que nous avons posé les bases nécessaires au développement des forces armées polonaises pour les années à venir inscrit dans la Loi sur la défense de la Patrie. Notre objectif est d’avoir une armée de 300 000 soldats : 250 000 soldats professionnels dans les unités opérationnelles et 50 000 dans les unités de défense territoriale. Une armée polonaise forte de soldats en nombre et d’équipements modernes est à la base de la doctrine de dissuasion et de défense.

En parlant de l’Otan comme d’un pilier de la politique de défense, il faut souligner que la Pologne n’est plus, depuis longtemps,  « preneuse » de la sécurité – notre armée est composée de spécialistes confirmés qui ont attesté de leur courage et de leur professionnalisme lors de nombreuses missions étrangères sous l’égide de l’Otan et de l’Union européenne. Nous coopérons avec nos alliés – nos forces sont présentes entre autres dans les groupements tactiques multinationaux de l’Otan stationnant en Lettonie et en Roumanie.

Le dernier sommet de l’Otan à Madrid a été particulièrement important, car il a défini la perspective de l’action de l’Alliance pour les prochaines années. Les décisions qui y ont été prises contribuent ouvertement au renforcement de la sécurité de la Pologne et de tout le flanc est. Ce n’est pas seulement l’adhésion de la Suède et de la Finlande, mais c’est aussi la décision des États-Unis de déployer des unités sur le territoire polonais de façon durable sous forme du Ve Corps de l’armée américaine responsable du commandement des forces terrestres des USA sur le flanc est.

.Nous n’avons de cesse de mettre en place un système de sécurité complet. L’accroissement des financements au développement de l’Armée ou la modernisation technologique sont une chose. Une autre, c’est de bâtir la conscience citoyenne et la disposition à prendre la responsabilité de notre sécurité commune. En dépit de la tragédie de la guerre en Ukraine, la Pologne reste un pays sûr. Les années passent, mais le souvenir de la guerre polono-bolchevique est toujours vif et les valeurs telles que le courage, l’honneur, l’amour de la Patrie sont pieusement cultivées entre autres durant la fête de l’Armée polonaise célébrée chaque 15 août, en mémoire de la grande victoire de 1920.

Mariusz Błaszczak

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 13/08/2022