Paweł SOLOCH: Sécurité. Pour une coopération franco-polonaise

Sécurité. Pour une coopération franco-polonaise

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Paweł SOLOCH

Chef du Bureau de la Sécurité Nationale Polonais de 2015 à 2022.

Ryc. Fabien Clairefond

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L’un des défis pour la sécurité de la région devient actuellement le maintien de l’alliance de l’Europe avec les États-Unis, dont le cadre le plus puissant forment aujourd’hui l’Otan et la coopération de l’Alliance avec l’Union européenne – écrit Paweł SOLOCH

L’Europe est aujourd’hui confrontée à d’importants défis pour sa sécurité allant des dangers militaires classiques jusqu’aux menaces émanant des sphères de l’information et de l’économie. Russie, Proche-Orient, Afrique du Nord – tout notre entourage stratégique est en cause. Dans un monde incertain, instable et imprévisible, il nous faut plus que jamais une perception commune des dangers et la disponibilité à les combattre main dans la main. Cette nécessité d’adopter une approche large et globale de la sécurité a fait l’objet de nombreuses interventions sur la scène internationale du Président polonais Andrzej Duda.

La coopération entre la Pologne et la France a le potentiel de créer des mécanismes prenant en compte différentes sensibilités et perspectives des États alliés au sein de l’Otan et partenaires dans l’Union européenne.

Le favorise le rang de deux États, et les divergences résultant des expériences historiques et de la perception contemporaine des dangers, grâce à une étroite coopération, peuvent contribuer à mettre en œuvre une vision cohérente de la sécurité européenne.

L’un des défis pour la sécurité de la région devient actuellement le maintien de l’alliance de l’Europe avec les États-Unis, dont le cadre le plus puissant forment aujourd’hui l’Otan et la coopération de l’Alliance avec l’Union européenne.

Nous devons à tout prix éviter que le monde euratlantique se disloque et que se forme au niveau de la sécurité une Europe à deux vecteurs : celle qui fait face aux dangers venant du Sud et qui mise en priorité sur l’Union européenne, et celle autre exposée aux dangers classiques venant de l’Est et qui voit la pertinence du mécanisme de défense collective de l’Otan.

Une telle dislocation serait une grande erreur stratégique menant à une fragmentation de la sécurité sur le continent qui aurait comme conséquence des crises à l’échelle globale.

La Pologne et la France devraient chercher des mécanismes renforçant la coopération euratlantique, avec une réelle prise en compte de la composante européenne.

L’Eurocorps – un projet dédié à des opérations militaires conjointes de l’Otan et de l’UE, ayant son QG à Strasbourg – pourrait en être un exemple. Pour cela, il faudrait trouver dans ses actions un équilibre entre l’optique européenne et euratlantique. Concrètement, cela signifie la disponibilité à réaliser tant des actions à l’échelle du continent que des opérations militaires de plus grande envergure.

Nous avons aussi besoin d’un consensus et d’une position commune quant à une meilleure mise à profit du potentiel européen. Qui prendrait en compte les craintes et les intérêts en terme de sécurité de tous les États de la zone euratlantique. Un consensus basé sur le renforcement de tels piliers de la sécurité européenne comme l’Otan, la politique de sécurité et de défense commune et les formats de coopération régionale et suprarégionale.

L’Otan doit continuer le processus d’adaptation stratégique à la nouvelle donne sécuritaire pour renforcer sa capacité de dissuassion et de défense contre une quelconque agression tant de l’Est que du Sud.

La politique de sécurité et de défense commune devrait non seulement accroître la responsabilité des Européens pour leur sécurité, mais aussi être complémentaire à l’Otan et non pas rivaliser avec lui.

Il faut aussi une mise à profit effective des initiatives régionales et thématiques comme l’Initiative européenne d’intervention, mise en place sur l’inspiration française, le concept allemand de nation-cadre de l’Otan, ou la force expéditionnaire commune (JEF) formée par la Grande-Bretagne. D’autres formats tels que le groupe « des neuf de Bucarest », réunissant les pays de la frontière est de l’Otan, ou le groupe de Visegrád devraient aussi être mieux pris en compte. Y contribuent de telles initiatives comme le séminaire France-groupe de Visegrád qui se tient actuellement à Paris, consacré à la coopération transatlantique et européenne de défense.

Si, en plus, on garantit un accroissement de financements pour la défense, conformément aux engagements pris en 2014 lors du sommet de l’Otan au Pays de Galles, et qu’on trouve – indépendamment des tensions du moment – un mode opératoire pérenne pour les relations transatlantiques, nous pouvons être tranquilles pour notre avenir.

La Pologne, malgré la priorité évidente accordée aux dangers à la frontière est de l’Otan, tente de réaliser la politique alliée dans une perspective de 360 degrés. Elle s’engage aussi bien dans les formats de coopération européens que dans le combat contre les dangers venant du Sud.

L’année dernière, nous avons exprimé notre disponibilité à accroître notre engagement dans l’Eurocorps et à commencer les démarches pour obtenir le statut d’État-cadre. Nous restons actifs dans le façonnement des nouveaux instruments de la politique de sécurité et de défense commune : le Fonds européen de la défense et la coopération structurée permanente. L’exemple en est le projet d’un centre de formation médicale des forces spéciales, proposé par la Pologne dans le cadre de la CSP.

Ces dernières années, la Pologne a aussi renforcé son engagement militaire, tant dans le cadre de l’Otan et de l’UE que dans celui de la Coalition globale contre Daesh.

Nous sommes l’un des principaux États à participer à l’opération de l’Union européenne EUNAVFOR MED Sophia au large de la Libye. À côté du renforcement des effectifs de nos troupes en Irak et en Afghanistan, nous avons envoyé des contingents militaires en Lettonie et en Roumanie dans le cadre de l’Otan. Suite à une récente déclaration du Président Andrzej Duda, la Pologne, après 10 ans d’intervalle, renoue avec sa participation aux opérations de paix de l’ONU, en envoyant des soldats au Liban dans le cadre de la mission FINUL. Depuis juillet, avec nos partenaires du groupe de Visegrád et la Croatie, nous montons sur pied un Groupement tactique de l’Union européenne.

.Après 20 années en tant que membre de l’Otan et 15 années dans l’UE, la Pologne façonne sa sécurité dans un lien étroit avec la sécurité de toute la zone euratlantique. Son élément indispensable reste la coopération avec la France en tant qu’important allié dans l’Otan et l’un des leaders dans la création des capacités européennes de défense. Nous espérons que cette coopération n’aura de cesse d’être développée dans un esprit de solidarité, de communion de nos objectifs stratégiques et de compréhension de nos intérêts réciproques.

Paweł Soloch
Ce texte est publié dans L’Opinion [LIEN] avec le mensuel d’opinion polonais Wszystko Co Najważniejsze.

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 23/10/2019