Sébastien LAYE: Sauvons les relations franco-polonaises de Macron

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Sébastien LAYE

L'homme d’affaires francais. Il est régulièrement interviewé par les medias francais pour ses expertises économiques et financières.

A l’heure ou Emmanuel Macron multiplie les provocations contre le Groupe de Visegrad et la Pologne en particulier- sur les migrants, les travailleurs détachés ou le spectre d’une Europe à plusieurs vitesses-, il convient de rappeler les relations millénaires entre la France et la Pologne – ecrit Sébastien LAYE

.Lorsque Hughes Capet fonde véritablement la monarchie française, Mieszko, duc des Polanes, fonde la monarchie nationale polonaise, et les échanges sont avérés dès le Moyen Age, au point de vue économique mais surtout culturel quand de nombreux moines français partiront en Pologne.

Comme avec toute nation, les relations de la France avec la Pologne furent plus ou moins amicales selon les époques, mais jamais antagonistes. Surtout, la France napoléonienne mais aussi la France du XXe siècle toujours soutiendra la cause d’une Pologne indépendante, y compris au péril de la menace russe.

Avec l’adhésion à l’UE en 2004, la France reconnaitra la position charnière de l’Europe dans l’architecture européenne moderne.

Mais c’est au bien au-delà des liens politiques qu’il faut chercher l’essence même de la relation franco polonaise, puisque c’est bien un liant culturel qui fonde l’admiration réciproque des deux nations. Le génie artistique et scientifique français n’eut de cesse d’être alimenté par des vagues d’émigration polonaise au cours de l’histoire tumultueuse de cette nation. Nous citerons le célèbre patriote et révolutionnaire polonais Tadeusz Kosciuszko, le grand compositeur classique ’’national-romantique’’ Frédéric Chopin, l’historien ’’révolutionnaire’’ (et politiquement engagé…) Joachim Lelewel (un admirateur et émule de notre Michelet…), le grand poète ’’national-romantique’’ Adam Mickiewicz ou encore la future prix nobel de physique (en 1903) et chimie (en 1911) Marie Sklodkowska (effectivement plus connue pour les français sous le nom de Marie Curie, après son mariage avec le chercheur français Pierre Curie).

Alors que nous nous apprêtons à célébrer le 150eme anniversaire de la naissance de Marie Curie, ces liens culturels sont aujourd’hui renforcés par la présence significative des entreprises françaises sur le sol polonais : la Pologne et ses 40 millions d’habitants très bien formes est non seulement un marché en soi, mais une tête de pont en Europe orientale pour les entreprises françaises. La France est d’ailleurs le troisième investisseur étranger en Pologne, avec un montant d’investissement triplé depuis l’entrée de la Pologne dans l’UE. On note ainsi la présence d’enseignes comme Auchan, Carrefour, Leclerc et Leroy Merlin dans la grande distribution, Orange dans la téléphonie ou encore BNP Paribas, le Crédit agricole et Société générale dans la banque.

Ce legs millénaire, tant culturel qu’économique et géopolitique (avec la montée des ambitions russes), est pourtant en train d’être réduit à presque néant par l’hubris du jeune chef d’état français. Tout à son rêve technocrate (prolongement de sa formation d’énarque) d’Europe fédérale, Macron n’a eu de cesse au cours des six derniers mois d’imposer cette logique centralisatrice et uniforme à Varsovie.

.Si les Polonais commençaient a se méfier de la bureaucratie bruxelloise, ils avaient pourtant toujours trouvé en Paris un allié, connaissant la méfiance similaire qui se faisait jour au sein des masses populaires français: on peut dire à cet égard que les classes moyennes polonaises sont parfaitement alignées avec les classes moyennes française: résolument européennes, mais désireuses d’éviter les excès de la bureaucratie bruxelloise et les délires jacobins (budget commun, transferts entre régions..). Or Macron est venu bousculer cet alignement en tentant d’endosser le rôle du nouveau fils prodigue qui imposerait a tous la volonté de puissance bruxelloise (et surtout celle des technocrates français). Cet hu bris a peu de chance d’infléchir la position de la Pologne mais devrait laisser des traces visibles dans la relation franco-polonaise.

A l’heure où nous devons célébrer Marie Curie et l’amitié franco polonaise, le leader français a pris le risque de mettre à bas un millénaire d’admiration réciproque. Ce qui ne devrait pas améliorer la perception d’une Europe froide, bureaucratique et dés-enracinée culturellement.

Sébastien Laye

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 28/10/2017
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