Le dernier pape de l'Europe
Son idée de l’Europe avait été formée par la culture des nations et pas celle des Heimats (allemand: patrie, pays natal). Il savait interpréter l’identité européenne d’une manière créative. Au lieu de chercher en elle la source à laquelle l’Eglise devrait revenir, il la voyait comme pont unifiant le monde global et le catholicisme multiculturel.
Tout d’abord, le choix de Karol Wojtyła signifiait la fin de la politique de la normalisation des relations du Vatican avec les pays communistes. Cependant, son pontificat n’était pas libéré des limites, surtout de «La Revanche de Dieu», donc le début de la nouvelle période dans les relations entre la politique et la religion sur la scène mondiale, avec la nouvelle identité plus assertive parmi les juifs, mais aussi parmi les musulmans. Au commencement de son pontificat, Jean Paul II a dû se débrouiller avec la forte politique anticommuniste de Ronald Reagan, aussi bien en Europe qu’en Amérique Latine. Pape Wojtyła a dû reformuler la relation entre le catholicisme et le monde global, ce qui, à ce moment-là, siginifiait la renégociation de la relation entre l’Europe et les Etats-Unis.
Dans la période de l’histoire de l’Europe entre l’année 1989 et 1991, on ne trouvait pas la politique du Vatican non préparée. Jean Paul II était moins triomphal des autres chefs en face des perspectives du nouveau monde qui serait construit sur les ruines du communisme soviétique. Une convergence objective des conceptions, entre la vision de Jean Paul II et la politique de l’administration américaine des années 80 du XXème siècle envers l’Europe de l’Est n’a pas interrompu la papauté dans les initiatives introduisant sa propre vision complète du monde après le concile du Vatican.
Les gestes d’un pontificat migratoire et global de Jean Paul II – le voyage à Casablanca le 19 août 1985, la visite à la synagogue de Rome le 13 avril 1986, la première rencontre entre les réligions différentes à Assise en Italie le 27 octobre 1986 – constituaient les premières étapes de la nouvelle vision catholique du monde, aussi bien dans le contexte historique que celui de dévotion.
Cette mission œcuménique et interreligieuse de Jean Paul II était inséparablement liée à son expérience historique et spirituelle de l’Europe du XXème siècle et aux conséquences de l’histoire du continent dans le monde entier: à l’héritage de la Première Guerre Mondiale, à la période de l’Entre-deux-guerres qui a mené à la Seconde Guerre Mondiale et à l’Holocauste, à la Guerre froide et à l’ilusion de «la fin de l’histoire» après la chute du communisme en Europe de l’Est.
L’enseignement de Jean Paul II sur la paix et le dialogue interreligieux a posé sur la papauté un rôle œcuménique, expliquant des événements universels politiques et moraux, atteignant l’opinion publique du monde entier et rejettant la théorie d’«une collision des civilisations» inévitable. C’était un des fruits de la culture très européenne de Jean Paul II. Le pape a constitué de nouvelles relations avec les Etats-Unis, sans oublier de la «dévotion» spéciale de l’Europe. Son postulat de la «spiritualité des nations» était fortement enraciné dans une vision de l’Europe unie en harmonie culturelle avec la région de la Mer Méditerranée et le Proche-Orient.
Ainsi, il est clair que l’anticommunisme de Jean Paul II était différent des autres attitudes idéologiques anticommunistes, parmi lesquelles beaucoup étaient présentes au sein de l’Eglise catholique elle-même.
Au début du XXIe siècle une tentative de retour de l’Europe à ses «racines chrétiennes» a déclanché une avalanche de critique. L’interprétation du pape polonais concernant le défi lié à la sécularisation et au multiculturalisme était beaucoup plus chrétienne et culturellement plus sensible que «les guerres culturelles» actuelles à cette époque-là, ainsi que l’expansionnisme essayant de dominer le Vieux Continent en permanence.
Après le décès de Jean Paul II en 2005, la portée globale et l’influence politique de la papauté n’ont pas été arrêtées. Les discours et les proclamations du pape François concernant le combat contre la pandemie de COVID-19, concentrés sur le rôle de l’Europe en sont preuves. C’est le pontificat du pape actuel qui est l’une de meilleures preuves de la durabilité et de la continuité des fruits du travail et de la vie de Karol Wojtyła.
Massimo Faggioli