
Karol Nawrocki peut donner un nouvel élan à l’Europe
Le succès de la tournée internationale d’inauguration de la présidence de Karol Nawrocki prouve que le nouveau président de la Pologne ne compte pas rester enfermé dans son palais et qu’il ambitionne de donner un nouvel élan à une Europe en perte de vitesse.
.Washington, le Vatican, Rome, Helsinki, Vilnius, Berlin, Paris, New York… En un peu plus d’un mois, le nouveau président polonais Karol Nawrocki a effectué plusieurs déplacement importants à l’international. De plus, il a accueilli à Varsovie les dirigeants des pays baltes et du Danemark afin de resserrer les liens entre alliés de l’OTAN face aux provocations russes.
Ceux qui connaissent Karol Nawrocki ne sont pas surpris par ce début de mandat. Il n’est pas un politicien professionnel, un apparatchik sans colonne vertébrale idéologique ou un technocrate sans caractère. C’est un homme qui connait l’histoire de notre continent, qui sait d’où nous venons donc où nous allons, qui sait où sont nos alliés et qui sont nos ennemis. Admettons que ça nous change de ce à quoi nous sommes habitués depuis soixante ans.
Il m’a été donné de suivre l’un de ses déplacements. Celui à Berlin et à Paris, du 15 au 16 septembre 2025. J’ai pu constater les travaux de l’équipe du président, les sujets qu’ils souhaitaient aborder avec les Allemands et les Français, la force des symboles mis en avant. J’ai pu parler aux collaborateurs de Karol Nawrocki et j’ai désormais une vision assez précise de ce à quoi va ressembler son mandat présidentiel.
L’axe le plus important de son quinquennat sera le renforcement de l’alliance occidentale face à la menace russe. C’est une évidence qui saute aux yeux. Ses malhonnêtes adversaires politiques le qualifient d’«atout du Kremlin» ou de «nationaliste fasciné par Trump». Il faut les comprendre, ils ont été traumatisés par la défaite, malgré des sondages prometteurs, du progressiste Rafal Trzaskowski. Ils ont essayé de traîner Karol Nawrocki dans la boue, le traitant de «gangster proxénète», ils ont essayé de remettre en question sa victoire électorale, ils ont essayé de mobiliser la justice pour bloquer son accession à la présidence. Ces tentatives de déstabilisation ont heureusement toutes échoué, alors il ne leur reste plus que les mensonges et les manipulations, l’emploi de mots qu’ils ne comprennent pas.
Ce n’est pas tout. Une alliance sans tronc moral commun ne peut pas fonctionner convenablement. A quoi bon avoir des accords de défense mutuelle si le pacifisme progressiste gangrène nos pays et qu’au moment décisif les chefs d’Etat préféreraient négocier et «sauver la paix» plutôt que de se précipiter, les armes à la main, auprès des alliés agressés? Karol Nawrocki milite donc pour un virage conservateur au sein de l’Europe, initié entre autres par Giorgia Meloni en Italie. Une alliance solide articulée autour de valeurs communes, voilà comment on pourrait qualifier le «programme» de Karol Nawrocki.
Au sein de cette alliance la France pourrait jouer un rôle de premier plan. Elle en a en tout cas les compétences et la vocation. Le président polonais n’a pas manqué de le rappeler, au cours de la conférence de presse qu’il a donnée dans les splendides locaux de l’ambassade de Pologne à Paris: La France et la Pologne sont des alliés naturels, comme en témoignent des siècles d’histoire. Le symbole de cette amitié? Le maréchal Poniatowski, dont une statue devrait bientôt être inaugurée dans la capitale française.
.Fraternité d’armes, mais aussi d’identité. dans une entretien accordé à Wszystko co Najwazniejsze, l’ambassadeur de France en Pologne, Etienne de Poncins, décrit ainsi le caractère des Français et des Polonais: «Il y a notamment cet amour de la liberté et cette volonté de lutter contre les hégémonismes. […] Nous parvenons toujours à nous réunir sur l’essentiel, par exemple quand nous faisons face à des menaces existentielles comme les grands totalitarismes du XXème siècle». Une France qui aurait renoué avec son identité glorieuse redeviendrait naturellement un soutien de premier plan pour la Pologne, ce que les Polonais sauraient reconnaître en retour.
Ces derniers connaissent l’histoire. Ils savent mieux que quiconque comment raisonnent les Russes et leurs dirigeants. Ils savent ce que signifie se trouver dans l’orbite de Moscou, que ce soit sous occupation directe ou sous menace militaire. Les Français, qui n’ont qu’une vision romancée de la Moscovie, issue d’expériences partielles, de fictions littéraires et de manœuvres informationnelles ciblées, disposent en réalité déjà d’un relais de poids dans cette région, Varsovie. Un pays, une nation, qui partage avec la France beaucoup plus de valeurs que la Russie. C’est le message qui, en l’état, a été transmis par Karol Nawrocki au président Macron, le mardi 16 septembre 2025 à l’Elysée.
Mais dans ce cas quid des Etats-Unis, nous retorquera-t-on. Après tout, les Polonais ne sont-ils pas «le Cheval de Troie des Yankees en Europe», comme peut-on le lire et l’entendre un peu partout dans le débat public français? J’invite donc les Français, mes compatriotes, à se poser une question d’une banale simplicité: Très rapidement, dès le début des années 1990, les Polonais ont vu que la Russie refuserait de s’en tenir à sa défaite de 1989 et 1991. Elle en a informé les pays occidentaux. Quel pays a répondu présent pour leur assurer son soutien et sa disponibilité? La France ou les Etats-Unis? Comment donc s’étonner que les Polonais fassent davantage confiance à leurs partenaires d’outre-Atlantique qu’à ceux d’outre-Germanie? Comment s’étonner que les Polonais n’achètent pas d’armes françaises, alors que Paris, malgré les avertissements, a cherché à nouer un partenariat stratégique avec Moscou dans les années 2010, y compris sous Emmanuel Macron? Comment s’en étonner, de même, alors que la France a participé à l’hystérie anti-polonaise des institutions européennes à l’époque des gouvernements conservateurs à Varsovie?
Alors oui, les Etats-Unis sont et resteront le principal allié de la Pologne. Karol Nawrocki y veillera. Il ne s’agit cependant pas d’une politique volontairement anti-française. Il s’agit de prendre en compte les intérêts vitaux de la Pologne, étant donné son positionnement géographique. D’un autre côté, la France est déjà l’un des premiers partenaires commerciaux de la Pologne, et les perspectives sont au beau fixe grâce au nouveau traité bilatéral signé entre les deux pays. Traité bilatéral signé dans la ville hautement symbolique de Nancy (celle de Stanislaw Leszczynski), mais scellé par cette poignée de main franche et affirmée entre Emmanuel Macron et Karol Nawrocki dans la cour de l’Elysée, ce mardi 16 septembre après-midi. Les deux hommes ont des positionnements politiques différents, mais le caractère du président polonais a su susciter de la considération auprès de son homologue français.
Une évolution politique de la France ouvrirait la voie à de nouvelles opportunités économiques et militaires et contribuerait à donner un nouvel élan à une Europe en perte de vitesse. Ce qui manque aux Européens aujourd’hui est un lien. Un lien fort et qui rassemble. Les «valeurs européennes» officielles font clairement fausse route. La tolérance à l’égard de l’islamisme, le progressisme sociétal, la déchristianisation militante, le désarmement physique et moral des nations européennes, l’appel à l’immigration massive pour compenser la stagnation démographique… tout cela n’a aucune chance de souder entre eux nos peuples. Bien au contraire, cela alimente l’incompréhension et la défiance.
Certains qualifient Karol Nawrocki d’«eurosceptique». Bien au contraire, il est profondément attaché à l’idée d’une Europe qui retrouverait ses racines – en particulier libérales, conservatrices et chrétiennes, et saurait se réunir autour d’un projet véritablement commun. C’est celui d’une Europe fédérale, centralisée à Bruxelles ou à Berlin, et dominée idéologiquement par le progressisme, que l’on peut qualifier d’«eurosceptique», car il nie l’identité de notre continent, de notre civilisation, de notre héritage plurimillénaire. Effacer l’ancien pour créer un nouveau artificiel, c’est la négation de qui nous sommes. Les fédéralistes usent et abusent de tous les tours de passe-passe politiques et médiatiques pour nous faire croire le contraire, traitant de «poutinistes» ceux qui refusent de transférer tous les pouvoirs à Bruxelles et de bazarder leur identité, mais cela fonctionne heureusement de moins en moins.
L’Europe de Karol Nawrocki est une Europe qui célèbre Léonard de Vinci, Jean-Sébastien Bach, Jacques-Louis David ou Nicolas Copernic, pas celle qui fait la promotion du voile islamique, des «fiertés homosexuelles» ou du sabordage de notre industrie souhaité par les lobbies écologistes. L’Europe de Karol Nawrocki est une Europe qui fait siennes la bataille de Vienne en 1683, l’épopée napoléonienne et la bataille de Varsovie en 1920, pas celle qui veut diluer notre histoire dans le magma multiculturel. L’Europe de Karol Nawrocki, enfin, est une Europe dont les élites et les citoyens sont conscients des menaces qui pèsent sur leur civilisation et qui sont décidés à faire front ensemble pour les affronter, pas une Europe qui enferme ses peuples dans le culte des accommodements raisonnables, du métissage universel et des négociations «à tout prix» face à des ennemis agressifs.
.Cette Europe ne peut pas être une Europe qui s’arrache à la présence des Etats-Unis. En tout cas, pas tant que nos industries militaires ressemblent à ce qu’elles ressemblent. Pas tant, non plus, que nos élites sont gagnées par un pacifisme macabre. L’Amérique reste pour le moment notre plus importante garantie de sécurité et doit être traitée comme telle. Qu’importe qui en est le dirigeant actuel. Cela n’empêche pas de construire des relations plus approfondies entre les nations européennes. L’ouverture dont Karol Nawrocki a fait preuve à l’égard des pays baltes, de l’Italie et de la France en témoigne. La main est tendue, de manière franche et décidée. Elle ne demande qu’à être saisie.
Nathaniel Garstecka