Jean-Paul II n’a pas fui les choses difficiles
Karol Wojtyła – Saint Jean-Paul II – est venu au monde pendant l’année de la Bataille de Varsovie dont le résultat a permis à la Pologne de sauver l’Europe du communisme soviétique. Il a fait l’expérience de l’occupation allemande et du pouvoir communiste qui s’est installé en Pologne après la seconde guerre mondiale. Le fait d’avoir rencontré deux totalitarismes, allemand et russe, ainsi que son expérience de la vie ouvrière, ont profondément influencé sa perception du monde.
Quand il est devenu pape „d’un pays lointain”, cette expression ne signifiait pas la distance géographique mais la provenance d’un monde de l’autre côté du rideau de fer. Il n’a jamais accepté la division de l’Europe. Il soulignait le droit de toutes les nations de l’Europe à participer dans le processus de l’unification de l’Europe. Cette pensée rencontrait souvent une opposition. Comme il a écrit dans Centesimus annus, beaucoup croyaient alors que l’ordre du monde établi à l’issue de la guerre mondiale ne pouvait changer qu’en conséquence d’une nouvelle guerre. Cependant Jean-Paul II a adopté une stratégie tout à fait différente pour défendre l’Europe et l’Église: une stratégie pastorale. Il a mis en marche des programmes de Radio Vatican dans des langues de l’Europe du Centre-Est et des nouvelles versions linguistiques de „L’Osservatore Romano”. En analysant les causes de la défaite de l’Occident par rapport au monde de l’athéisme communiste, il montrait que l’Occident ne manquait pas d’experts mais qu’il manquait de gens expérimentés et libres des complexes par rapport au marxisme. „L’Occident entier est accablé de complexes, de multiples complexes. Dans un certain sens, il est terrassé idéologiquement” (Jasna Góra, 05.06.1979). Le premier pèlerinage de Jean-Paul II dans sa patrie est devenu impulsion pour l’élan ouvrier en 1980 et pour la création du Syndicat indépendant et autonome „Solidarność”. Le pape a soutenu spirituellement et intellectuellement l’opposition anticommuniste en Europe du Centre-Est, en publiant entre autre les encycliques sur la théologie et la spiritualité du travail humain ou en enseignant l’éthique de la solidarité. Pour son engagement dans ce dialogue avec le monde ouvrier (entre autres) il a payé le prix de l’attentat contre sa vie. Il semble que Saint Jean-Paul II a mérité d’être compté parmi ces papes à qui, selon un usage établi, on attribue le titre de „Grand”.
Le Pape a été aussi un défenseur infatigable du droit à la vie dès la conception jusqu’à la mort naturelle. Il nous a laissé un grand manifeste des défenseurs de la vie humaine: l’encyclique Evangelium vitae. Il a laissé aussi ses réflexions personnelles concernant la dernière phase de la vie, contenues dans sa Lettre aux personnes âgées. Il y observe un changement dramatique qui se produit dans la civilisation occidentale. Dans le passé, les personnes âgées étaient entourées d’un grand respect. Aujourd’hui „le concept d’euthanasie a perdu peu à peu, pour beaucoup de gens, la connotation d’horreur qu’elle suscite naturellement lorsqu’on est sensible au respect de la vie” (9). On peut donc converser dans les salons au sujet de la mise à mort des gens considérés comme „inutiles” et continuer à s’estimer soi-même comme quelqu’un de „la bonne société”.
En écrivant sur le mariage et la famille, Saint Jean-Paul II n’a pas fui les sujets difficiles, non seulement dans Familiaris consortio mais déjà en tant que participant du Concile. Il a écrit au sujet du schéma de Ecclesia in mundo: „Du point de vue pastoral, le chapitre «Du mariage et de la famille» ne semble pas tout à fait adapté. Toutes ces questions difficiles que nous posent à nous, pasteurs, les gens mariés, y sont absentes. Cela veut dire que nous n’essayons pas d’y répondre” (Acta Syn., vol. IV, pars III, p. 242-243, no 67). Jean-Paul II en tant que pape de la Miséricorde divine était convaincu que la miséricorde n’abandonne pas l’homme déchu mais le relève du péché en lui rendant la dignité du fils (cf. Dives in misericordia, 6). Cela se rapporte aussi à ces époux qui, comme le fils prodigue, vivent avec le sentiment d’avoir perdu leur dignité de l’époux ou de l’épouse. Dans leur vie aussi il est possible de retourner „à la maison du Père” et de retrouver la dignité qui découle du sacrement de mariage. Dieu ne les a pas abandonnés non plus. Dans ce contexte il est important de souligner que le pape François, en canonisant Saint Jean-Paul II, l’a appelé „pape de la famille”.
Par son pontificat Saint Jean-Paul II soulignait que „L’homme ne peut vivre sans amour” (Redemptor hominis, 10) et qu’on „ne peut en effet comprendre l’homme à fond sans le Christ” (Varsovie, 02.06.1979).
Archevêque Stanisław Gądecki