
La Pologne, une nation qui a de quoi être fière
Les peuples sont en général encouragés à mettre en avant leurs réussites, les belles et grandes pages de leur histoire. Néanmoins, le progressisme ambiant empêche de plus les européens de faire valoir ce qui fait ou qui a fait leur gloire. La Pologne et les Polonais, par exemple, ont pourtant de quoi être fiers.
.Les Français ne se posent pas de question. Ils sont fiers de Vercingétorix, du baptême de Clovis, de l’Edit de Nantes, du Roi Soleil, de Versailles, de la Révolution, de Napoléon, de Verdun, de Charles de Gaulle, de l’arme atomique, de la loi sur l’avortement, de leur art, de leur culture, de leur gastronomie… Ils ont en effet de quoi, leur histoire est grande et riche malgré des pages moins claires, leur patrimoine est époustouflant. A part quelques altermondialistes ou polémistes provocateurs qui veulent raser le château de Versailles ou la basilique du Sacré-cœur, la nation française est plutôt soudée autour de ses acquis et n’hésite pas à régulièrement les célébrer.
Du côté de la Pologne, les choses se passent un peu différemment, la fierté nationale polonaise est moins consensuelle et ne reçoit pas la même reconnaissance internationale. Pourtant, la Pologne et les Polonais ont de nombreux atouts à mettre en avant, que ce soit du point de vue historique que du point de vue culturel.

La Pologne, une nation qui peut être fière de son histoire
La Première république
.Issue de plusieurs siècles de rapprochement entre le Grand-duché de Lituanie et le Royaume de Pologne, l’Union de Lublin en 1569 permet la création de l’Etat le plus grand de cette région de l’Europe. Il s’agissait d’une monarchie mixte, dont le pouvoir était exercé par le roi, le sénat et la chambre des députés. Les nobles y possédaient une grande influence, ils avaient par exemple le pouvoir d’élire les nouveaux rois. La période allant de la seconde moitié du XVIème siècle à la première moitié du XVIIème est considérée comme l’âge d’or de la Pologne. Plusieurs victoires contre les Suédois et les Russes avaient permis une relative paix, ainsi que des tentatives d’expansion vers l’est, notamment avec l’occupation de Moscou pendant 2 ans, de 1610 à 1612.
Ses frontières correspondaient peu ou prou à l’actuelle Pologne (excepté sa façade occidentale), aux pays baltes, au Bélarus et aux deux tiers de l’Ukraine. La Prusse germanique était alors vassale de cet Etat. La République des Deux Nations était multiculturelle et multireligieuse. Plusieurs minorités habitaient le pays, en particulier des Juifs, des Allemands et des Tatars. L’absence de monarchie absolue présentait des avantages et des inconvénients, mais le plus grand avantage était de permettre une coexistence relativement pacifique entre les différentes cultures et religions.
A partir de la moitié du XVIIème siècle, la Pologne-Lituanie subit de graves revers, envahie par les Suédois et les Russes, ainsi qu’un soulèvement massif de cosaques. Le pays ne se relèvera pas de ces évènements et ne fera que décliner jusqu’à sa disparition à la fin du XVIIIème siècle. Son modèle, néanmoins, est resté dans les esprits et son héritage a marqué la mentalité des Polonais et des peuples de l’Europe de l’Est. L’Initiative des Trois Mers est actuellement un hommage à peine dissimulé envers la Ière République de Pologne, et les idéaux de liberté et de tolérance ont dès lors fait partie intégrante de l’esprit polonais.

Le principe de tolérance
.La Pologne est un pays particulier au sein de l’Europe car il a, tout au long de son histoire, fait partie des plus tolérants du continent. Les premières communautés juives s’installent dès la fin du Ier millénaire dans le jeune état polonais de la dynastie des Piast. Les seigneurs locaux voient dans leur présence l’opportunité d’améliorer les finances du royaume et de développer le commerce. Ils décideront donc de faire preuve d’accueil et de tolérance à l’égard du peuple juif, qui subissait à l’époque des persécutions dans plusieurs pays européens comme la France ou l’Empire germanique. Au fur et à mesure des expulsions (Italie, Espagne, Grande-Bretagne, Bohème, Hongrie…), la communauté juive de Pologne ne faisait que croitre, jusqu’à devenir la première d’Europe, voire du monde. Les rois successifs accordaient des édits de tolérance les nobles plaçaient les Juifs sous leur protection. L’antisémitisme n’était pas absent du royaume (expulsion des Juifs de Cracovie, accusations de meurtre rituel), mais il n’était en rien comparable aux vagues de persécutions qui ensanglantaient le reste de l’Europe.
La Pologne fut un refuge pour les Juifs pendant des siècles. Leur situation se compliqua à partir de la seconde moitié du XVIème siècle, c’est-à-dire à partir de la fin de l’âge d’or polonais. Les insurrections cosaques et les invasions russes et suédoises mirent en grave péril la sécurité des Juifs, mais malgré cela ils restaient dans le pays. A la veille de la Seconde guerre mondiale, 10% de la population de la IIème République de Pologne était juive (3,5 millions de personne).
La tolérance ne s’appliquait pas qu’aux Juifs. De nombreux protestants allemands ou tchèques ont fait le choix de s’installer en Pologne, pays où les religions, notamment catholique et orthodoxe, cohabitaient tant bien quel mal. Ainsi, le royaume a évité les guerres de religion qui ont ravagé l’Europe, en particulier la France et l’Empire.
Cette tradition d’accueil et de tolérance s’est maintenue avec le temps, et les Polonais sont aujourd’hui célèbres dans le monde entier pour l’hospitalité dont ils sont capables de faire preuve.

La bataille de Vienne
.L’une des batailles les plus importantes pour l’avenir de la civilisation européenne s’est déroulée à Vienne, en 1683. Les Ottomans, qui enchaînaient les conquêtes depuis plus de deux siècles et la chute de Constantinople, assiégèrent à nouveau Vienne, capitale de l’Empire des Habsbourg. La ville représentait un objectif stratégique majeur pour les Turcs, car elle permettait de contrôler le Danube ainsi que les routes commerciales d’Europe centrale, en plus de représenter le centre politique et décisionnel de l’Empire germanique.
Alors que Vienne semblait condamnée, une armée polonaise arriva en renfort avec le roi Jean Sobieski à sa tête. Le 12 septembre 1683, une puissante charge de cavalerie polonaise contre l’armée ottomane, pourtant largement supérieure en nombre, met les assiégeants en déroute et libère la ville. Cette défaite est un terrible coup porté à l’expansionnisme turc. Dans la foulée de cette bataille, les Habsbourg seront en mesure de conquérir la Hongrie et la Transylvanie, qui se trouvaient depuis le XVème siècle en grande partie sous domination de la Sublime Porte.
Cette bataille marque le début du déclin de l’Empire ottoman et de la reconquête chrétienne du sud-est européen.
L’alliance avec Napoléon
.La République des Deux Nations est démantelée par les grands empires russe, prussien et autrichien à la fin du XVIIIème siècle. En 1795, elle disparaît totalement de la carte de l’Europe. Au même moment, la monarchie française agonisante puis la Ière République entrent en conflit contre l’”Europe entière”. Les „guerres de la Révolution” débutent avec la victoire de Valmy et s’étendront à tout le continent. En 1804, Napoléon Bonaparte se proclame empereur et doit à nouveau livrer bataille contre les Anglais, les Prussiens, les Autrichiens et les Russes notamment. A l’issue de la Guerre de la Quatrième Coalition, la Pologne est „libérée” et un Etat est rétabli : le Grand-duché de Varsovie, qui sera le plus grand allié des Français dans les guerres à venir. Les Polonais forment un régiment d’élite qui s’illustrera à plusieurs reprises au sein de la Grande Armée : les chevau-légers, dont la charge à Samosierra a impressionné l’empereur en personne. A la tête des forces polonaises se trouve le prince Joseph Poniatowski, qui sera le seul étranger à recevoir le titre de maréchal d’Empire.
Les Polonais sont restés fidèles à Napoléon, malgré les défaites, et on retrouvera les chevau-légers à la bataille de Waterloo. L’indépendance du pays sera à nouveau perdue, jusqu’en 1918.
Les soulèvements patriotiques
.Bien qu’il disposaient d’un semblant d’autonomie au sein de l’empire russe, les Polonais ne se sont jamais résolus à la perte de leur souveraineté. A plusieurs reprises au XIXème siècle, ils se sont soulevés contre l’occupant tsariste et leur ferveur indépendantiste a marqué l’Europe entière. L’insurrection de Novembre, en 1830, suscite la sympathie de l’opinion publique française et inspirera en partie les mouvements nationaux lors du Printemps des peuples de 1848. La chute de l’insurrection de Novembre entraînera la Grande émigration de la noblesse polonaise, principalement vers la France.
Un autre soulèvement aura lieu, cette fois en 1863, l’insurrection de Janvier. Ici aussi, c’est un échec, mais le mouvement patriotique a gagné les provinces lituaniennes, bélarusses et ukrainiennes. La Russie durcira encore davantage sa politique, en déportant massivement les patriotes en Sibérie et en s’employant à russifier la culture polonaise.
Ces grand mouvements patriotiques et romantiques sont un jalon déterminant de l’identité nationale polonaise. Les Polonais ont, tout au long de leur histoire, fait preuve d’une résilience extraordinaire et n’ont jamais hésité à lutter pour leur indépendance et leur liberté contre les occupations étrangères.

La bataille de Varsovie
.La Première Guerre mondiale marque la fin de l’ordre issu du XIXème siècle. Les grandes puissances impériales sont défaites les unes après les autres, ce qui offre une fenêtre d’opportunité aux Polonais pour retrouver leur indépendance. Cette indépendance a plusieurs pères, mais c’est avant tout la vision de Jozef Pilsudski qui s’est réalisée : vaincre d’abord la Russie, puis les empires centraux. En octobre 1918, le Conseil de régence polonais déclare l’indépendance. La Pologne renait de ses cendres, après 123 ans d’occupations.
Pourtant, la jeune II République est fragile et les conflits font rage tout autour, avec les révolutions marxistes en Allemagne et en Russie et la guerre civile qui s’y déroule. Après que les bolchéviques l’ont emporté face aux Blancs, ils se tournent en 1920 vers l’exportation de la révolution à l’Europe entière. Le premier obstacle sur leur chemin est cette Pologne tout juste recréée. „C’est par le cadavre de la Pologne blanche que passe la route pour enflammer le monde !” s’écrie Mikhaïl Toukhatchevski, commandant de l’armée russe rouge. Après avoir repoussé une expédition polonaise sur Kiev, les Russes se précipitent vers l’ouest et finissent par menacer Varsovie.
La Pologne, soutenue notamment par la France qui lui livre armes et munitions et envoie sur place des officiers formateurs et conseillers, dont le capitaine de Gaulle, va jouer le tout pour le tout devant sa capitale. Pilsudski et ses généraux mettent en place un plan de contre-attaque, qu’ils exécutent à la perfection et mettent en déroute les bolchéviques, qui demandent la paix. La Pologne empêche ainsi le triomphe de la révolution communiste, l’Europe est pour un temps sauvée.
La guerre contre les totalitarismes
.Malgré avoir gagné son indépendance par les armes, le pays n’est toujours pas en sécurité. Les Allemands n’ont pas digéré le traité de Versailles et la Russie, désormais l’URSS, a été traumatisée par sa défaite aux portes de Varsovie en 1920. Les deux puissances opéreront rapidement un début de rapprochement, à Rappalo, visant à contourner les dispositions de Versailles. L’arrivée au pouvoir des nazis modifie dans un premier temps la donne, du fait de la rivalité des deux idéologies totalitaires. Face aux atermoiements des démocraties occidentales, peu enclines à s’opposer avec vigueur au retour de l’impérialisme, et à la résistance des Polonais qui refusent d’abandonner leur souveraineté, Hitler et Staline finissent par s’allier en aout 1939.
L’objectif est clair : L’invasion commune puis le partage de la Pologne. Ainsi, en septembre, la Pologne est confronté à un assaut combiné des deux grands empires totalitaires de l’époque. Abandonnée des Occidentaux, elle se défend seule pendant un mois avant d’être vaincue. Elle est le seul pays à avoir affronté simultanément Hitler et Staline. Les deux dictateurs se déchaineront contre les habitants de la II République de Pologne, mais c’est ici que naîtra le plus grand mouvement de résistance en Europe occupée, l’”Armia Krajowa” (Armée de l’Interieur).

Zegota et les Justes
.C’est aussi en Pologne que l’aide aux Juifs menacés d’extermination sera la plus poussée, avec une organisation dédiée, „Zegota” (au sein de laquelle travaillait Irena Sendler, célèbre pour avoir sauvé des milliers d’enfants juifs d’une mort certaine), liée au gouvernement légal en exil à Londres. De nombreux Polonais ont caché et sauvé des Juifs pendant la Shoah. Pour lutter contre eux, les autorités allemandes donnent l’ordre de punir de mort tous ceux qui apportent de l’aide aux survivants des ghettos et des camps d’extermination et les occupants appliquent implacablement cet ordre. Des villages entiers seront brûlés, des familles exécutées avec leurs enfants, uniquement pour avoir fait preuve d’humanité et caché des Juifs. La famille Ulma symbolise ces Polonais héroïques qui ont sacrifié leur vie pour en sauver d’autres.
Ainsi, c’est la Pologne qui compte le plus de récipiendaires du titre de Juste Parmi les Nations, décerné par l’institut israélien Yad Vashem.
Etant donné les conditions de vie inhumaines imposées par les occupants et sans occulter les épisodes sombres et tragiques, l’effort consenti par les Polonais en matière de sauvetage de Juifs est remarquable et pourrait être davantage reconnu par l’opinion publique mondiale.
L’insurrection du Ghetto de Varsovie
.Après la défaite de la Pologne en septembre 1939, le pays est partagé et occupé par les Allemands et les Soviétiques. Les deux alliés totalitaires mettent en place une politique génocidaire envers les habitants, principalement contre les Juifs, mais aussi contre les Polonais. La population juive est enfermée dans des ghettos et vouée à l’extermination. A l’été 1941, l’Allemagne nazie rompt le pacte germano-soviétique et envahit l’URSS. Les Juifs habitant les régions conquises sont systématiquement massacrés. Un an plus tard, les Ghettos sont liquidés. Une poignée de Juifs résistants s’oppose aux déportations dans celui de Varsovie.
Le 19 avril 1943, les Allemands entre en force dans ce mouroir à ciel ouvert, afin d’en finir une bonne fois pour toute. Les Juifs ne se laissent pas faire. Ils dressent le drapeau blanc et rouge polonais aux côtés du drapeau blanc et bleu. Ils savent qu’ils n’ont aucune chance de survie mais ne veulent pas périr sans combattre. La résistance polonaise fournit des armes et des munitions et lance quelques opérations de diversion. Ca ne sera pas assez. La lutte héroïque des combattants juifs durera un mois, les Allemands seront même surpris par leur acharnement. Le Ghetto tombe, Hitler le fait intégralement raser et les survivants sont tous déportés dans les camps d’extermination.
L’insurrection du Ghetto de Varsovie est le premier soulèvement civil dans l’Europe occupée par l’Allemagne nazie. Elle n’avait aucun objectif politique ou stratégique, juste celui de l’honneur. Elle marquera la fraternité d’armes entre Juifs et Polonais, deux nations victimes des totalitarismes mais solidaires entre elles. L’année suivante, c’est le reste de la ville qui prendra à son tour les armes contre les Allemands.

L’insurrection de Varsovie
.Le sort de la guerre a tourné. Les Soviétiques ont repoussé la Wehrmacht et ont pénétré en Pologne occupée. Les Polonais, qui connaissent les intentions de Staline à leur égard après le génocide commis en 1939 et 1940, refusent d’être à nouveaux occupés. L’Armia Krajowa, représentant le gouvernement légal en exil, espère encore que les occidentaux les soutiendront dans leur lutte pour l’indépendance et décide d’expulser elle-même les Allemands de la capitale, Varsovie, avant l’arrivée de l’Armée rouge. Les Hitlériens sont au courant de ce projet, et peuvent se préparer.
Le 1er aout 1944, c’est le déclenchement du soulèvement de la ville. Les résistants prennent le contrôle de plusieurs quartiers centraux. Les troupes soviétiques, qui stationnent de l’autre côté de la Vistule, se contentent d’observer. Les Allemands se reprennent rapidement et envoient des troupes fraîches pour reconquérir Varsovie. Ils vont commettre de nombreux massacres de civils (plus de 200 000 morts). Au bout de deux mois d’intenses combats, l’insurrection est écrasée. La ville martyre est presque entièrement détruite et vidée de sa population.
De nombreux débats entourent cet évènement. 80 ans plus tard, des journalistes et des polémistes parlent de „gâchis”, d’”irresponsabilité”, de „crime” commis par les dirigeants de la résistance. Peut-être. Pourtant, ces deux mois de lutte symbolisent le profond désir de liberté et d’indépendance de toute une ation. Ils ont offert au peuple polonais une éphémère délivrance entre deux périodes d’occupations génocidaires et totalitaires, dans la droite ligne des insurrections du XIXème siècle. Peu de nations ont été capables d’une telle résilience. Varsovie a été rasée et sa population massacrée, et l’honneur ne rapport pas de bénéfices matériels, bien au contraire, mais l’esprit d’un peuple est intemporel. Les richesses passent, l’honneur reste.
Le mouvement Solidarnosc et la chute du communisme
.Après la guerre, la Pologne est à nouveau occupée par les Soviétiques. Staline achève son œuvre, débutée en 1939, d’extermination des élites du pays et impose le socialisme à un peuple affaibli. Cependant, l’esprit de résistance n’a pas quitté les Polonais. Plusieurs grèves et révoltes éclatent en divers endroits : 1956, 1970, 1976, 1980. A chaque fois, elles sont écrasées dans le sang.
En 1980, Anna Walentynowicz et Lech Walesa fondent le syndicat indépendant „Solidarnosc”. Le mouvement s’allie avec l’Eglise catholique et rassemble autour de lui toutes les oppositions au communisme. Les autorités communistes polonaises sont dépassées, tandis que l’URSS laisse faire. En décembre 1981, sentant que la situation commence à lui échapper, le général Jaruzelski instaure l’état de guerre et réprime les opposants. Le syndicat „Solidarnosc” est délégalisé et entre en clandestinité.
Vers la fin des années 1980, de nouvelles grandes grèves obligent Jaruzelski à composer et à autoriser „Solidarnosc” à se présenter aux élections législatives. Ces élections semi libres de 1989 marquent une grande victoire du syndicat, au détriment des communistes. C’est le début de la chute des régimes communistes d’Europe centrale. Une fois de plus, la Pologne a montré la voie de l’indépendance et de la liberté.

Le soutien à l’Ukraine
.A nouveau libre, la Pologne rejoint l’OTAN et l’Union Européenne. Elle fait partie intégrante de l’Occident , mais reste consciente de son histoire et des dangers qui pèsent sur la liberté en Europe centrale et orientale. Après l’avoir agressée une première fois en 2014, la Russie de Vladimir Poutine envahit l’Ukraine le 24 février 2022. La Pologne, dont les relations avec Kiev sont marquées par une mémoire tragique, n’hésite pas et se place en fer de lance du soutien occidental au pays attaqué. Elle ouvre ses portes à plus de deux millions de réfugiés ukrainiens, qui sont accueillis par les Polonais sous leur toit. Ce fantastique élan de solidarité émeut l’opinion publique internationale.
En plus de l’aide humanitaire, la Pologne contribue grandement au soutien militaire à l’Ukraine. Grâce au fait qu’elle est en train de devenir l’une des principales forces militaires en Europe (encore un motif de fierté !), elle peut fournir des centaines chars et presse l’Allemagne d’en faire autant. Elle pointe les compromissions de la France avec Vladimir Poutine et insiste pour que les discussions sur l’éventuelle entrée de l’Ukraine dans l’UE et l’OTAN soient ouvertes.
Elle s’inscrit ainsi dans la lutte des peuples d’Europe de l’est pour leur liberté. Le président Lech Kaczynski avait prononcé un discours mémorable à Tbilissi en 2007 lors de la guerre entre la Géorgie et la Russie, la Pologne d’aujourd’hui poursuit sur cette ligne, en accord avec ses traditions pluriséculaires.
Les Polonais n’ont pas à rougir de leur histoire. Bien au contraire, ils peuvent en être pleinement fiers et personne n’a le droit de le leur en empêcher ou de le dénigrer. Cette histoire a fait naître des traits de caractères nationaux particuliers, qui ont fait la gloire du peuple polonais. Les luttes pour l’indépendance ont forgé son patriotisme, sa résilience et son goût pour la liberté, son opposition frontale aux grands totalitarismes lui a permis de conserver son honneur, contrairement à la plupart des autres nations ; la tolérance ethnique et religieuse pluriséculaire est à l’origine de la réputation d’accueil et de bonté qui lui est associée ; enfin, ses grandes victoires obtenues sur les champs de bataille ont contribué en bien au destin de l’Europe.

La Pologne, une nation qui peut être fière de sa culture
.Le patrimoine culturel polonais vaut que l’on s’y intéresse. La Pologne est un pays qui s’inscrit pleinement dans la culture civilisationnelle occidentale et l’a prouvé à de nombreuses reprises durant son histoire.
La musique
.La Pologne n’est pas réputée pour être un grand pays de musique. Cependant, plusieurs musiciens et compositeurs polonais ont marqué leur époque et l’histoire de cet art, en particulier au XIXème et au XXème siècles.
Frédéric Chopin (1810-1849) est sans doute le plus célèbre des musiciens polonais. Il est aussi l’un des grands symboles de l’amitié franco-polonaise, car né dans une famille binationale (son père était français, sa mère, polonaise) en Pologne avant de s’installer à Paris. Sa vie et son œuvre s’inscrivent dans la tradition patriotique et romantique polonaise du XIXème siècle. Véritable virtuose du piano, il a marqué toute une génération de musiciens et inspiré les suivantes, notamment avec ses Mazurkas, ses Valses, ses Nocturnes, ses Polonaises, ses Préludes et ses Etudes.
Impossible d’évoque Chopin sans celui qui a été son plus grand interprète : Artur Rubinstein (1887-1982), né à Lodz mais ayant vécu de nombreuses années à Paris. Patriote, il est connu pour avoir joué en 1945 l’hymne national polonais devant des délégations internationales à l’ONU dans le but de les sensibiliser au sort de son pays, meurtri par la Seconde Guerre mondiale et occupé par l’Armée Rouge.
Musique et patriotisme sont intimement liées dans la culture polonaise. En témoigne la personne d’Ignacy Paderewski (1860-1941). Sa carrière fulgurante de pianiste et ses nombreux voyages dans le monde lui permettent de s’engager pour l’indépendance de la Pologne. Il milite auprès du président américain Woodrow Wilson pour que celui-ci soutienne la renaissance du pays après la Première Guerre mondiale, il participe au soulèvement patriotique de Grande-Pologne en 1918 et devient Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du jeune Etat polonais. Après la défaite de 1939, il s’engage à nouveau, malgré sa santé déclinante, dans la diplomatie au sein du gouvernement polonais en exil.
Wladyslaw Szpilman (1911-2000) s’est inscrit dans l’histoire de la Pologne, en tant que pianiste à la radio publique polonaise. Durant la journée 23 septembre 1939, pendant l’invasion germano-soviétique de la Pologne, la radio était en train de passer son interprétation de Chopin quand les Allemands ont bombardé la centrale électrique de Varsovie, coupant ainsi toute diffusion radiophonique. Enfermé dans le Ghetto de Varsovie, il est sauvé sur le fil au moment où il embarquait avec sa famille dans un train qui devait les mener au camp d’extermination de Treblinka. Il parvient à survivre à Varsovie, caché par des amis polonais, dont le compositeur Witold Lutoslawski. Il reprend son travail à la radio publique après la guerre et contribue au renouveau culturel de la Pologne. Il est devenu mondialement connu grâce au film „le Pianiste” de Roman Polanski.
Parmi les autres grands musiciens et compositeurs des XIXème et XXème siècles, on peut aussi citer Stanislaw Moniuszko (1819-1872), Henryk Wieniawski (1835-1880), Witold Lutoslawski (1913-1994), Karol Szymanowski (1882-1937) et Krzysztof Penderecki (1933-2020). Malgré ses opinions politiques controversées, il convient de noter aussi le grand talent de Krystian Zimerman (1956- ).

La littérature
.La Pologne compte plusieurs grands écrivains, dont certains ont reçu le prix Nobel de littérature.
Henryk Sienkiewicz (1846-1916) est sans doute le plus grand écrivain polonais de son époque et l’un des plus célèbres du monde. Sa plus grande œuvre est „Quo Vadis”, pour laquelle il reçoit le Nobel en 1905. Il est aussi l’auteur de grands romans nationaux comme „Par le fer et par le feu”, „le Déluge”, „Messire Wolodyjowski” et „les Chevaliers teutoniques”, dont l’objectif est de réveiller le sentiment patriotique polonais et de lutter contre la germanisation et la russification culturelle imposées par les puissances occupantes. Par ailleurs, il s’est engagé auprès des pays occidentaux pour l’indépendance de la Pologne durant la Première Guerre mondiale.
Issac Bashevis Singer (1904-1991) joue un rôle particulier dans l’histoire littéraire polonaise. Né près de Varsovie, écrivant principalement en yiddish, la langue des Juifs d’Europe centrale, il émigre aux Etats-Unis dans les années 1930 et s’y installe définitivement. Singer est connu pour ses romans retraçant la vie de la communauté juive de Pologne à travers les siècles, notamment „Shosha”, „le Magicien de Lublin”, „la Famille Moskat” et „l’Esclave”. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1978 pour l’ensemble de son œuvre.
Wladyslaw Reymont (1867-1925) est l’un des étendards de la littérature polonaise, brillant représentant du courant réaliste, avec notamment „les Paysans” (pour lequel il recevra le prix Nobel en 1924) et „la Terre promise”. Le premier roman est une profonde et sensible description de la vie rurale en Pologne, le second présente les aspects angoissants de l’urbanité. Comme Sienkiewicz, Reymont s’est engagé dans la cause indépendantiste et patriotique polonaise.
Adam Mickiewicz (1798-1855), considéré comme l’un des principaux poètes romantiques du XIXème siècle et comme la première figure de l’émigration polonaise en France. Ses œuvres majeures font partie de celles qui ont le plus contribué à renforcer le sentiment patriotique des Polonais : „Messire Thadée”, „les Aïeux” et „Konrad Wallenrod”. Lors de son séjour à Paris à partir de 1832, il participe, avec le prince Adam Czartoryski, à l’organisation politique de la communauté polonaise autour de l’hôtel Lambert , en particulier des exilés suite à l’écrasement de l’insurrection patriotique de 1830-1831.
A ces grands noms de la scène littéraire polonaise on peut ajouter Juliusz Slowacki (1809-1949), Czeslaw Milosz (1911-2004, prix Nobel en 1980), Wislawa Szyborska (1923-2012, prix Nobel en 1996), Stanislaw Wyspianski (1869-1907), Stanislaw Lem (1921-2006), Cyprian Kamil Norwid (1821-1883) et Witold Gombrowicz (1904-1969).

La peinture
.La peinture est un art qui reflète avec fidélité l’âme d’une nation. Les grands peintres polonais s’inscrivent dans la tradition patriotique combinée au style réaliste.
Le plus célèbre d’entre eux et selon certains le plus grand peintre polonais de l’histoire est Jan Matejko (1838-1893). Son immense talent et son souci du détail dans la représentation des figures, des costumes et des scènes glorieuses ont valu à ses œuvres d’être systématiquement mises en avant afin d’illustrer les différents épisodes de l’histoire de la Pologne. Parmi ses principales toiles, on peut citer „la Bataille de Grunwald”, qui mesure 4 mètres de long et 1 mètre de large. Le tableau représente la grande bataille qui s’est tenue en 1410 entre la Pologne et la Lituanie d’un côté, l’Ordre teutonique de l’autre, qui a eu comme conséquence la vassalisation de la Prusse, symbolisée d’ailleurs par un autre tableau de Matejko: „l’Hommage prussien”. „La Constitution du 3 mai 1791” retrace l’un des grands événements européens de la fin du XVIIIème siècle : l’adoption la première constitution du continent, par la République des Deux Nations (si on met de côté la constitution corse). Le cycle des „œuvres civilisationnelles de la Pologne” est une série de 12 tableaux peints entre 1888 et 1889, retraçant des instants célèbres de l’histoire polonaise dont „la Christianisation”, „l’Accueil des Juifs”, „la Conquête de la Ruthénie” et „l’Election libre de 1573”. Matejko fait ainsi partie des artistes ayant porté le sentiment national polonais à une époque où il en avait grand besoin.
Avec cet ogre de la peinture qu’est Jan Matejko, on pourrait croire que la Pologne n’a rien d’autre à proposer. Cependant, plusieurs autres peintres méritent le détour : Maurycy Gottlieb (1856-1879), connu pour ses œuvres représentant la vie juive en Pologne, en particulier „Juifs priant dans une synagogue à Yom Kippour” ; Wojciech Kossak (1856-1942), spécialisé dans les scènes de batailles et auteur du „Panorama de Raclawice” de 115 mètres de long ; Jozef Brandt (1841-1915) et ses tableaux „la Bataille de Khotin” et „Jan Sobieski quittant Wilanow aux côtés de Marysienka” ; et Jacek Malczewski (1854-1929), l’un des plus grands artistes du courant symboliste dont l’œuvre majeure est sans doute „Mélancolia”.

Les sciences
.Les Polonais ont contribué à l’essor scientifique de l’Europe et du monde. Parmi les noms qui ont marqué l’histoire, on peut citer Marie Curie, Nicolas Copernic, Ignacy Lukasiewicz ou Janusz Korczak.
Marie Curie, née Maria Skłodowska en Pologne en 1867, s’installe à Paris en 1891. Elle y obtient des licences de physique et de mathématique et se marie avec le physicien Pierre Curie. Ensemble, ils réaliseront des travaux pionniers sur la radioactivité qui révolutionneront la science et l’avenir du monde. Elle soutient sa thèse de doctorat en 1903 et la même année obtient, avec son mari, le prix Nobel de Physique. En 1911, elle reçoit le Nobel de Chimie pour ses travaux sur le polonium (appelé ainsi en hommage à la Pologne ; Marie Curie était une fervent patriote polonaise) et le radium, ce qui en fait la première femme à obtenir le fameux prix et même la première à en obtenir deux. Elle a aussi été la première femme professeur à la Sorbonne. Sa fille, Irène, sera aussi lauréate pour ses découvertes sur la radioactivité.
L’astronome polonais Nicolas Copernic (1473-1543) est à l’origine de l’une des principales avancées scientifiques du monde. Alors qu’à son époque, c’est-à-dire au XVIème siècle, il était admis que c’est la Terre qui se trouve au centre de l’Univers, immobile, et donc que c’est le Soleil qui tourne autour de nous, Copernic propose, sur la base de ses nombreuses recherches et observations, une thèse révolutionnaire. Selon lui, c’est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l’inverse. Il présente sa découverte dans un court traité, „De Hypothesibus Motuum Coelestium a se Contitutis Commentariolus”, écrit en 1513. L’idée va chambouler toutes les connaissances de l’époque. Dans les années 1530, Copernic approfondit ses travaux dans „De Revolutionibus Orbium Coelestium„. Dans un premier temps enthousiaste, l’Eglise se rétracte puis combat ses théories. Pourtant, Galilée les reprendra et les développera. L’impact de l’œuvre de Copernic sera révolutionnaire, à un tel point que l’on parle de „révolution copernicienne”.
Parmi les grands Polonais ayant marqué la science et l’industrie, le pharmacien Ignacy Lukasiewicz (1822-1882) semble moins connu. Pourtant, il est l’inventeur de la lampe à pétrole en 1853 et le fondateur du premier puit à pétrole du monde, à 1855 à Bobrka, petit village du sud-est de la Pologne, accompagné de la première raffinerie. Il présente ses innovations aux scientifiques et aux industriels du monde entier, parmi lesquels des représentants de la famille Rockefeller, qui se serviront de son modèle pour initier l’exploitation pétrolière de l’Amérique et créer la Standard Oil. La découverte et les travaux de ce Polonais ont donc grandement contribué à l’essor industriel et économique des Etats-Unis en particulier, de l’Occident puis du monde en général.
Enfin, le médecin et écrivain polonais d’origine juive Janusz Korczak (de son vrai nom Henryk Goldszmit, 1878-1942), connu pour son œuvre pionnière sur l’enfance, la pédagogie et les droits de l’enfant. Il était aussi un patriote polonais, s’opposant à l’occupation tsariste et combattant l’invasion bolchévique en 1920 en tant qu’officier. Il fonde plusieurs orphelinats, où il met en place des méthodes d’apprentissage et de pédagogie inédites, mettant l’accent sur la responsabilité et l’engagement des pensionnaires. Après la défaite de septembre 1939, il est enfermé par les Allemands dans le Ghetto de Varsovie avec les enfants dont il s’occupe. Il continuera à s’occuper d’eux jusqu’à la mort, refusant de les abandonner malgré les propositions qui lui seront faites de le sortir du ghetto. Lors des déportations massive de juillet et aout 1942, il décide de monter dans le train avec ses protégés, pour partager leur sort. Il a inspiré la rédaction et l’adoption de la Déclaration des droits de l’enfant (votée à l’ONU en 1959) et de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (1989).

La spiritualité
.De par son appartenance indéniable à la civilisation chrétienne, la Pologne a vu naître certaines grandes figures de la scène religieuse, tant européenne que mondiale. De plus, la politique d’accueil et de tolérance envers les Juifs a permis le développement d’une intense spiritualité juive dans les territoires de la République des Deux Nations.
Quand on demande à un occidental quel est selon lui le Polonais le plus célèbre de l’histoire, il y a de fortes chances qu’il réponde qu’il s’agit du Pape Jean-Paul II (1920-2005). Karol Wojtyla est né en Pologne. Durant la Seconde Guerre mondiale, il travaille dans la clandestinité et aide à protéger des Juifs au risque de sa vie. C’est à cette époque, à Cracovie, qu’il décide de devenir prêtre, toujours de manière clandestine afin d’échapper aux Allemands. Il est fait évêque en 1958, puis nommé archevêque en 1963. Il se rapproche du cardinal Wyszynski, autre grande figure de l’Eglise de Pologne. Le pape Paul VI le nomme cardinal en 1967. Ce dernier meurt en 1978, suivi, quelques jours plus tard, de son successeur Jean-Paul I. La même année, Karol Wojtyla, qui était déjà une figure connue depuis le concile Vatican II, est élu pape. C’est un évènement de portée internationale car Jean-Paul II est relativement jeune, il est le premier pape non italien depuis le XVIème siècle et est originaire d’un pays sous domination soviétique. Le symbole est fort et il sera cultivé en Pologne dans un esprit de résistance au communisme. Une véritable ferveur s’installe autour de lui, tant dans son pays natal qu’ailleurs dans le monde, au fur et à mesure des grands rendez-vous organisés, comme les Journées mondiales de la jeunesse. Ses nombreux déplacements attirent les foules, comme en Pologne en 1979. En plus d’éveiller l’esprit de résistance face au totalitarisme, Jean Paul II soutient activement les organisations d’opposition, comme le syndicat „Solidarnosc”. Ainsi, il est considéré comme l’un des artisans de la chute du mur de Berlin en 1989. Son message a dépassé le seul cadre du catholicisme. Son attitude bienveillante à l’égard du judaïsme et ses appels à la tolérance et au dialogue interreligieux ont contribué à renforcer les liens entre chrétiens et Juifs. De par la longévité et la portée de son pontificat, il est décrit comme l’un des plus grands papes de l’histoire et est canonisé en 2024.
Figure souvent associée à celle de Jean-Paul II, le cardinal Stefan Wyszynski (1901-1981) s’est aussi illustré dans la résistance à l’occupation soviétique. Comme celui qui deviendra le premier pape polonais de l’histoire, celui qui n’est encore qu’abbé fonctionne dans la clandestinité au cours de la Seconde Guerre mondiale. Pourchassé par la Gestapo et bien que moins bienveillant que Karol Wojtyla à l’égard des Juifs (notamment après la guerre), il participe lui aussi à leur sauvetage. Il est nommé Primat de Pologne en 1948 puis cardinal en 1953, ce qui lui confère une influence non négligeable sur la société polonaise. Il mettra à profit cette influence pour inciter au renouveau spirituel en opposition au matérialisme marxiste propagé par les élites socialistes du pays, ce qui lui vaudra d’être persécuté par les autorités communistes. Parmi ses autres réalisations, il y a le soutien à l’ascension de Karol Wojtyla au sein de l’épiscopat et à celle de „Solidarnosc”.
Parmi les grandes personnalités de la scène religieuse polonaise de l’époque communiste, il convient d’évoquer aussi le prêtre Jerzy Popieluszko (1947-1984). Après avoir été ordonné prêtre en 1972 par le cardinal Wyszysnki et malgré sa santé fragile, il s’engage dans le soutien aux organisations clandestins anticommunistes puis à „Solidarnosc”, en particulier à partir de l’instauration de l’état de guerre par le général Jaruzelski. Il gagne ainsi rapidement en popularité et des foules de plus en plus nombreuses assistent à ses messes. Les autorités communistes commencent à se méfier de lui, le mettent sous surveillance et engagent une campagne d’intimidation à son égard. Jerzy Popieluszko refuse de céder et il est finalement enlevé et assassiné par les services de sécurité de l’Etat communiste. Il est déclaré martyre puis béatifié en 2010.
Le catholicisme n’est pas la seule religion à avoir donné des personnages célèbres à la Pologne. Le judaïsme a aussi marqué l’histoire de ce pays et s’il ne fallait citer qu’une seule figure religieuse juive, ça serait sans doute Israël ben Eliezer (1698-1760), dit le „Baal Shem Tov”, fondateur du hassidisme. Au XVIIIème siècle, la Pologne est le centre du judaïsme européen et mondial. Les Juifs constituent déjà 10% de la population de la République des Deux Nations et disposent d’une relative autonomie en plus de la protection des rois de Pologne. Cela favorise l’émergence de nouvelles spiritualités et de nouveaux courants du judaïsme. Ben Eliezer dispense des enseignements qui vont à l’encontre des traditions du judaïsme rabbinique. C’est le point de départ du hassidisme, mouvement qui va gagner en influence et s’exporter dans le monde entier grâce à des branches comme celle de Loubavitch. Aujourd’hui, plusieurs localités polonaises ou ayant fait partie de la République des Deux Nations sont la destination de pèlerinages réguliers de Juifs orthodoxes.

La Pologne, une nation qui peut être fière de ses réalisations récentes
.Il ne s’agit pas seulement du passé. Même aujourd’hui, les Polonais n’ont pas à rougir de la comparaison avec d’autres pays et peuples : 20ème économie mondiale, 6ème économie européenne avec l’un des plus forts taux de croissance du continent, des résultats sportifs honorables (en particulier au Volley Ball, sport dominé par „les Blancs et rouges”), un pays peu touché par l’insécurité, doté de magnifiques régions (comme celle de Mazuries, réputée pour ses forêts et ses nombreux lacs) et de belles villes… La Pologne peut réellement être qualifiée de Championne de la Nouvelle Europe.
L’économie
.La Pologne est l’un des pays les plus dynamiques économiquement d’Europe. En témoigne une série d’indicateurs au vert depuis plusieurs années.
Le taux de croissance du PIB est sans doute l’indicateur économique le plus marquant de tous, celui qui est le plus souvent utilisé pour traiter du développement d’un pays. La Pologne a, dans ce domaine, particulièrement de quoi être fière : son taux de croissance se situe entre 4% et 5% depuis plus de vingt ans. C’est l’un des rares pays européens à ne pas avoir subi de récession durant la crise de 2008. Malgré les difficultés apparues à partir de 2020 (restrictions sanitaires de 2020 et 2021, invasion russe de l’Ukraine en 2022), les prévisions de croissance restent élevées, aux alentours de 3%. Selon le FMI, la Pologne fait partie des vingt principales économies du monde en terme de PIB en parité de pouvoir d’achat, dépassant ainsi l’Australie et les Pays-Bas. Si l’on prend le PIB par habitant, ici aussi la Pologne progresse, en ayant dépassé récemment le Portugal et en se rapprochant de l’Espagne et du Japon. L’économie polonaise est ambitieuse et dynamique, les Polonais sont productifs et efficaces, c’est le marqueur d’une importante réussite pour ce pays d’Europe centrale qui a si longtemps été soumis aux puissances étrangères.
Si la croissance du PIB témoigne de la bonne santé de l’économie polonaise, c’est aussi le cas du taux de chômage. Après avoir atteint un niveau dramatiquement élevé à la fin des années 1990 et au début des années 2000 (20% entre 2002 et 2004, à la veille de l’accession à l’Union européenne), suite à une période de transformation post communiste maladroitement gérée, force est de constater qu’il n’y parait plus rien vingt ans plus tard. Selon Eurostat, le taux de chômage de la Pologne n’est que 2,8% en 2023 et de 5% selon le gouvernement. Les secrets de cette réussite économique et sociale sont bien entendu à chercher dans l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne, mais aussi dans le dynamisme de son économie et de sa politique favorable aux investissements étrangers. Le très faible nombre de chômeurs permet aux Polonais d’accroître progressivement leur niveau de vie mais fait dire aux organisations patronales et aux responsables politique que le pays „manque de bras”. Cette situation pourrait aboutir à une saine réflexion sur le besoin de moderniser et d’automatiser les secteurs où c’est possible, ce qui aurait comme conséquence d’entraîner la hausse de niveau des prochaines générations de Polonais : un pays qui a de moins en moins besoin de main d’œuvre bon marché et de plus en plus besoin de spécialistes, de scientifiques et d’ingénieurs va naturellement tendre vers une augmentation du niveau de son éducation et de ses universités.
Autre marqueur de la bonne gestion de l’économie polonaise, une dette maitrisée et des déficits peu élevés. La Pologne se positionne comme l’un des meilleurs élèves de l’Union européenne, avec une dette n’excédant pas 60% de son PIB et un déficit public respectant les critères de Maastricht depuis 2015. Néanmoins, nous observons une brusque augmentation des dépenses étatiques à partir de 2020 et de la crise des restrictions sanitaires puis de la guerre à l’est. La Pologne étant un pays frontalier de l’Ukraine et pleinement engagée dans le soutien, tant humanitaire que militaire, à ce pays, les répercussions sur son déficit public sont importantes.
On estime souvent que les pays baltes sont un exemple de succès économique. Il n’en est pas moins avec la Pologne. Le pays est devenu très attractif pour les investissements étrangers. Ces dernières années, on a pu observer une augmentation des projets concernant les nouvelles technologies, la finance, le secteur bancaire, mais aussi les greenfield, portés par de grands noms comme Intel ou Microsoft. A titre d’exemple, la société californienne va investir 4,6 milliards de dollars dans une usine de semi-conducteurs à Wroclaw et le groupe de Bill Gates a choisi la Pologne pour y développer son projet de „cloud” global. Par ailleurs, la rentabilité des IDE y est actuellement la plus élevée d’Europe : 9%, devant l’Irlande (8%). Selon l’Institut Polonais d’Economie, „l’économie polonaise n’a jamais été aussi importante pour l’économie mondiale qu’aujourd’hui. Chaque année sa part dans les exportations mondiales augmente, elle se situe actuellement à 1,4%”. Le pays compte aussi moderniser sa production d’énergie, avec notamment des projets de construction de centrales nucléaires américaines et sud-coréennes. Si on ajoute le projet de nœud de communication aéroportuaire et ferroviaire CPK (Centralny Port Komunikacyjny) devant être en mesure de desservir toute l’Europe centrale et orientale, la Pologne a toute les cartes en mains pour devenir à terme l’une des principales économies d’Europe, elle qui est déjà la vingtième mondiale.

Le sport
.Malgré les apparences, la Pologne s’est distinguée dans de nombreux sports, que ce soit au XXème siècle ou au XXIème.
Le plus populaire d’entre eux, le football, a vu une domination de la Pologne dans les années 1970, avec deux médailles de bronze aux championnats du Monde (1974 et 1982), une médaille d’or olympique en 1972 et une d’argent en 1976. Une autre réalisation de l’équipe nationale a été d’atteindre la 5ème place du classement international FIFA en aout 2017. La Pologne a produit beaucoup de grands joueurs qui ont marqué l’histoire du sport : Raymond Kopa (né Kopaszewski, fils d’émigrés polonais), Grzegorz Lato, Zbigniew Boniek, Henryk Kasperczak, Jakub Blaszczykowski ou Robert Lewandowski.
Le tennis ne manque actuellement pas de joueurs polonais talentueux : Hubert Hurkacz a atteint en 2024 la 8ème place du classement ATP, Lukasz Kubot a été le premier Polonais à être numéro 1 mondial (en 2018 en double avec le brésilien Marcelo Melo), Iga Swiatek est indéniablement la meilleure joueuse mondiale depuis 2022.
Ce n’est pourtant pas dans ces deux sports que la Pologne brille le plus. Celui où les Polonais ont remporté le plus de succès est indéniablement le volley-ball. Rien que ces dernières années : champions du Monde en 2014 et 2018, finalistes des championnats du Monde en 2006 et 2022, champions d’Europe en 2009 et 2023, troisièmes aux championnats d’Europe en 2011, 2019 et 2021, vainqueurs de la Ligue des Nations en 2023, finalistes en 2021, troisièmes en 2019 et 2022. En conséquence, la Pologne domine le classement mondial depuis des années, devant les Etats-Unis, l’Italie et le Brésil. Le clubs polonais sont également de la partie : le Projekt Warszawa a remporté la Challenge cup européenne en 2024, l’Asseco Resovia la coupe CEV la même année et le ZAKSA Kedzierzyn-Kozle a triomphé en Ligue des Champions trois fois d’affilée en 2021, 2022 et 2023.
L’autre grand sport national est le saut à ski, avec de grands noms comme Adam Malysz (qui a remporté la coupe du Monde en 2001, 2002, 2003 et 2007, ainsi que le Tournoi des quatre tremplins en 2001), Kamil Stoch (coupe du monde en 2018 , quatre tremplins en 2017, 2018 et 2021) et Dawid Kubacki (quatre tremplins en 2021). La Pologne a remporté la coupe des Nations en 2017 et 2019.
Les Polonais se passionnent aussi pour les courses de speedway. Bartosz Zmarzlik est le numéro 1 mondial incontesté depuis 2019 et la Pologne domine régulièrement les éditions de la coupe du Monde depuis 2005, grâce notamment à Tomasz Gollob puis à Bartosz Zmarzlik.
Pour finir, à noter certaines performances aux Jeux Olympiques : Robert Korzeniowski a remporté quatre médailles d’or à la marche athlétique, Irena Szewinska en a obtenu trois à la course à pieds, comme Kamil Stoch au saut à ski et Anita Wlodarczyk au lancer de marteau. Parmi ceux qui en ont obtenu deux, Jozef Zapedzki au pistolet tir rapide (1968 et 1972).
Les régions, les villes et les traits de caractère nationaux
.De par sa taille, son emplacement, son histoire et sa culture, la Pologne occupe une place spécifique en Europe centrale. Premier pays de la région par la taille et la population (38 millions d’habitants, soit autant que la Tchéquie, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie et les pays baltes pris tous ensemble), la Pologne dispose d’un accès à la mer baltique au nord, aux montagnes des Carpates au sud, à de grandes et belles forêts au nord-est (avec par exemple la forêt primaire de Bialowieza) ainsi qu’à un nombre élevé de lacs et de cours d’eau, à de larges plaines et même à un désert naturel, l’un des seuls d’Europe. Tout ceci confère à la Pologne une diversité des paysages et des reliefs, ce qui se ressent dans la gastronomie par exemple. Cette dernière est aussi enrichie des apports civilisationnels germaniques et orientaux, la Pologne se trouvant à la frontière entre le bloc allemand et le bloc ruthène, mais aussi yiddish et baltes.
Malgré une histoire mouvementée et tragique entre 1939 et 1989, l’âme de l’Europe centrale a pu être préservée, ce que l’on peut observer à travers l’architecture des centres-villes. Toutes les grandes villes, mais aussi les plus petites, mettent en avant leurs quartiers traditionnels, où l’on peut réellement se sentir au cœur de la civilisation européenne. Les villes sont propres bien que dynamiques, calmes bien que peuplées.
En tant que pays d’Europe centrale ayant appartenu au bloc de l’Est, la Pologne a su jusqu’à présent se préserver d’une immigration massive de travail puis de peuplement, évitant ainsi de commettre les mêmes erreurs civilisationnelles que les pays d’Europe de l’Ouest. Pour autant, les Polonais sont un peuple accueillant et bienveillant, héritage de mille ans de multiculturalisme et tolérance ethnique et religieuse. C’est aussi un peuple patriote et fier, amoureux de son indépendance et de sa souveraineté, arrachées après des décennies de luttes et de sacrifices. Les Polonais sont aussi connus pour cultiver leurs traditions ancestrales : par exemple, certaines communautés locales continuent à pratiquer des rites datant de l’époque slave préchrétienne, comme la nuit de Kupala célébrant le solstice d’été durant laquelle on se baigne dans des lacs et on allume des feux au coucher du soleil, afin de se purger des esprits malins. Les Polonais restent ainsi attachés à leurs coutumes, à leur culture ancienne, tout en ayant été capables de s’ouvrir à la modernité.
Un autre trait de caractère dont ils peuvent être fiers est la solidarité. Ce n’est pas par hasard que le grand mouvement de résistance anticommuniste des années 1980 s’appelait „Solidarnosc”. Les Polonais sont conscients de former une communauté unie et homogène. Cela se ressent lors des campagnes de dons et des actions caritatives ou humanitaires. De même, le monde entier a pu constater la solidarité des Polonais à l’égard des Ukrainiens fuyant l’invasion russe en février 2022.
Loin de l’image réductrice qu’ont d’elle les Occidentaux, l’histoire et la culture de la Pologne regorgent de motifs de fierté. Ce pays a marqué l’identité du continent européen et de la civilisation occidentale en prenant part intégrante aux grands épisodes de son histoire. Par ailleurs, on ne parle pas ici d’un passé lointain, la Pologne a brillé par sa culture et son caractère national tant au XIXème siècle qu’au XXème.
.Les Polonais n’ont aucune raison de ne pas avoir davantage confiance en eux, eux qui ne sont pas concernés par les pages noires de l’histoire européenne (ni par la colonisation, ni par l’esclavage, ni pas les génocides ou les guerres impérialistes), qui au contraire ne se sont pas compromis avec les totalitarismes du XXème siècle et qui ont même lutté contre eux. La Pologne est une nation formidable et fascinante, qui mérite pleinement que l’on s’y intéresse davantage et d’être célébrée pour son identité et son apport à notre civilisation.