Élection présidentielle polonaise 2025. Qui va gagner? Dernier débat

Six. C’est le nombre de débats présidentiels qui ont été organisés avant le premier tour de l’élection présidentielle polonaise. Le sixième et dernier s’est déroulé sur la chaîne de télévision publique TVP.
Élection présidentielle polonaise: revue des principaux participants
.Le premier tour de l’élection présidentielle polonaise se tiendra le dimanche 18 mai 2025 et le second tour deux semaines plus tard. A cette occasion, les principales chaînes de télévision ont organisé plusieurs débats de premier tour. Certains candidats ont boycotté les chaînes de droite, mais cette sixième et dernière rencontre a vu s’affronter les treize candidats enregistrés :
Rafal Trzaskowski, maire de Varsovie et vice-président de la PO (Plateforme Civique, PPE), principal parti de la coalition de centre-gauche au pouvoir en Pologne depuis décembre 2023 et dont le premier ministre est Donald Tusk. Il est progressiste, favorable au fédéralisme bruxellois et a longtemps tenu des propos immigrationnistes, avant de changer d’avis durant la campagne présidentielle. Il a été député européen et ministre de l’Europe. Il est le grand favori des sondages, ces derniers lui accordant 33% des voix au premier tour et 55% au second.
Karol Nawrocki, directeur de l’IPN (Institut de la Mémoire Nationale – Instytut Pamięci Narodowej) et soutenu par le PiS (Droit et Justice, CRE) qui a gouverné la Pologne de 2015 à 2023. Il est conservateur, solidariste, favorable au maintien de l’alliance avec les Etats-Unis et partisan de l’idée d’Europe des nations. Il s’est illustré par ses travaux visant à désoviétiser l’espace public polonais, ce qui lui a valu d’être inscrit par le Kremlin sur sa liste des ennemis du régime. Les sondages lui donnent 26% au premier tour et 45% au second.
Slawomir Mentzen, co-président de la Konfederacja (Confédération, ENS et PfE), alliance de partis nationaux et libertaires de droite. Il est partisan de coupes sévères dans les impôts et les dépenses publiques, favorable à une dérégulation massive de l’économie, opposé au fédéralisme des institutions européennes et à l’immigration illégale. Donné à 14% dans les sondages, après avoir été un temps proche de la qualification au second tour.
Szymon Holownia, dirigeant de Polska 2050 (Renew, groupe européen auquel appartient Renaissance), parti centriste membre de la coalition gouvernementale polonaise. Il est président de la chambre basse depuis fin 2023 et est soutenu par le PSL (agrariens, PPE). Partisan d’un plus grande intégration européenne, d’une poursuite de l’immigration et de l’organisation d’un référendum sur l’avortement. Troisième homme de l’élection présidentielle de 2020 avec 14%, les sondages le placent cette fois-ci à la quatrième place, avec 8% des voix.
Magdalena Biejat, candidate de Lewica (Gauche, PSE), parti de gauche membre de la coalition gouvernementale de centre-gauche depuis décembre 2023. Elle est vice-présidente du Sénat. Elle est progressiste, féministe, socialiste et favorable à davantage d’intégration politique européenne. Les sondages lui donnent 6%.
Adrian Zandberg, président de Razem («Ensemble»), parti d’inspiration marxiste. Il est député depuis 2019, socialiste, féministe, partisan d’un Etat providence et de la construction massive de logements sociaux. Situé à 5% dans les sondages.
Aucun des autres candidats ne dépasse 5%.
Sixième débat avant l’élection présidentielle polonaise
.Le débat organisé par la chaîne publique TVP s’est, comme la plupart des confrontations précédentes, divisé en plusieurs partie, avec des questions posées par les journalistes et des face à face directs. Ca a été l’occasion pour les principaux candidats de clarifier leurs positions.
Rafal Trzaskowski
.Dans sa déclaration d’ouverture, Rafal Trzaskowski a mis l’accent sur la «sécurité», sans donner davantage de précisions. Il a promis d’y dédier 5% du PIB polonais, et non à la défense. Il s’est aussi prononcé en faveur de la libéralisation de l’avortement. Ses propos sur la sécurité se sont précisés quand il a annoncé vouloir mettre en avant la «sécurité des femmes» en leur donnant le droit de «décider de leur corps et de leur santé». Il s’est aussi montré favorable à la construction de crèches gratuites, de nouvelles écoles et de logements sociaux.
A une question portant sur la confiance accordée aux hommes politiques, il a évoqué le besoin de transparence et la lutte contre la «haine». Il a choisi d’attaquer Karol Nawrocki sur l’affaire de l’appartement de ce dernier à Gdansk, qu’il aurait acquis de manière immorale (mais non illégale). Le candidat conservateur a riposté en rappelant les compromissions de Rafal Trzaskowski dans les affaires de reprivatisations sauvages à Varsovie, qui ont causé de nombreuses tragédies humaines.
Sur la politique extérieure, le vice-président de la PO a déclaré souhaiter que l’armée polonaise devienne la plus grande de l’UE, et que la Pologne devait renforcer sa présence au sein des institutions communautaires. Il a annoncé qu’en tant que président, il travaillerait à ce que les Etats-Unis «respectent la Pologne». Il s’est opposé à l’idée que la Russie pourrait gagner la guerre et a souligné que Vladimir Poutine ne comprend que la force. «L’Ukraine devrait être une zone tampon entre l’UE et la Russie», a-t-il ajouté.
Dans sa déclaration finale, il a mis en avant le développement des services publics, la nécessaire «empathie» et le besoin de «construire ensemble notre communauté».
Karol Nawrocki
.Au début de l’émission, le candidat à l’élection présidentielle polonaise soutenu par le PiS a rappelé qu’en tant que directeur du Musée de la Seconde Guerre mondiale, il avait contribué à populariser la célébration des héros nationaux polonais, ainsi qu’à désoviétiser l’espace public, ce qui lui a valu d’être menacé directement par le Kremlin. Il s’est cependant opposé à l’envoi de troupes en Ukraine, tout en souhaitant cultiver l’alliance avec les Etats-Unis.
Répondant à une question sur l’effondrement de la démographie du pays, il a proposé de cesser de propager les «valeurs de mort» et de continuer à «soutenir les familles». Il a annoncé qu’en tant que président, il chercherait à baisser les impôts des familles ayant deux enfants ou plus. Au sujet du manque de confiance au monde politique, il a mis en avant sa carte maîtresse: son origine non politique. N’ayant jamais été encarté, il se présente comme candidat citoyen, juste soutenu par le PiS. «Je viens du peuple, je suis l’un des vôtres», a-t-il déclaré. Il a attaqué Rafal Trzaskowski sur ses liens avec des organisations financées par l’Allemagne et par George Soros.
Interrogé sur la politique extérieure, il a annoncé vouloir maintenir de bonnes relations avec l’UE, mais refuser davantage d’intégration politique afin de ne pas mettre en péril la souveraineté nationale. Il a cependant affirmé que la Pologne devait être le pays clé des relations de l’Europe avec les Etats-Unis. Il a déclaré que la Russie devait être tenue le plus loin possible des frontières de la Pologne, mais qu’il ne fallait pas laisser l’Ukraine entrer dans l’UE et l’OTAN sans que Kiev n’ait au préalable réglé les questions mémorielles qui empoisonnent les relations entre les deux pays.
Durant un échange musclé avec Rafal Trzaskowski sur l’immigration, il a proposé de dénoncer le pacte européen sur l’asile et les migrations, ce à quoi le candidat progressiste a répondue que le PiS était aussi responsable de l’augmentation de l’immigration en Pologne.
La déclaration finale de Karol Nawrocki a mis en avant la sécurité. Celle des enfants et des petits-enfants des Polonais, celle des frontières, celle de l’énergie (contre le pacte vert européen). «La Pologne doit rester la Pologne», a-t-il conclu.
Slawomir Mentzen
.Dans ses propos initiaux, le candidat national-libertaire a dressé un tableau inquiétant de l’état du système de santé polonais. Il a fait de la réforme de la sécurité sociale sa priorité et a accusé les gouvernements successifs de la PO et du PiS d’être responsables de la crise de l’hôpital.
Sa réponse à la question sur la démographie a été percutante. Les journalistes ont affirmé que c’est à cause des limitations à l’avortement que les femmes polonaises ne faisaient pas d’enfant. Slawomir Mentzen a déclaré que ce n’est pas à cause des limites à l’avortement qu’il y a une crise démographique en Pologne et en Occident. Il a affirmé que c’est à cause de la «propagande médiatique» visant à dégoûter les Polonaises de la maternité : «La famille et la maternité sont présentées comme un boulet, alors qu’elles sont belles».
Selon lui, la clé pour regagner la confiance des électeurs et le fait de venir du privé. «Les politiciens sont fainéants. Je viens du privé et je gagne ma vie dans le privé. Je n’ai jamais profité du système», a-t-il déclaré. Il a demandé à Rafal Trzaskowski s’il accepterait d’ouvrir la sécurité sociale à la concurrence, ce à quoi le maire de Varsovie n’a pas répondu. «Vous ne faites rien depuis vingt ans», a réagi Slawomir Mentzen.
Sur l’international, il a tenu des propos similaires à ceux de Karol Nawrocki: défense des intérêts polonais contre les intérêts de Bruxelles et de Berlin, opposition à l’intégration politique dans l’UE, dénonciation du pacte migratoire et du pacte vert. Il a déclaré que Donald Trump se bat pour les intérêts des Etats-Unis et que «nous devons en faire autant». Selon lui, l’Ukraine doit sauvegarder sa souveraineté, même si cela équivaut à perdre des territoires, et la Pologne ne doit pas être engagée dans la guerre.
Au cours de sa dernière prise de parole, il s’est vanté d’avoir réalisé des centaines de meetings électoraux avant le premier tour de l’élection présidentielle polonaise et que son objectif était d’«abattre le bipartisme PO-PiS».
Szymon Holownia
.Le président de la Diète polonaise a, lui aussi, évoqué la sécurité lors de son entrée. Il a proposé une loi afin d’interdire les smartphones dans les écoles polonaises et l’interdiction de gracier des hommes politiques. Son plan pour rehausser la démographie polonaise est de revenir temporairement au «compromis sur l’avortement» avant d’organiser un référendum sur la libéralisation de l’IVG. Il a aussi proposé de construire davantage de crèches et de miser sur les transports en commun.
Pour améliorer l’image des politiciens, il a déclaré qu’il sera proche des gens et à leur écoute: «Il faut surveiller les députés et leur comportement, montrer l’exemple, être transparents». Interrogé sur la politique extérieure qu’il mettrait en place s’il était élu, il a annoncé que l’intérêt national polonais résidait dans l’intégration politique au sein de l’UE: «Il faut construire une forte présence de la Pologne au sein de l’UE». Il s’est aussi prononcé pour un renforcement des relations avec les pays d’Europe du nord et proposé un «axe européen avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Italie».
Il a souhaité montrer à Donald Trump que l’Europe est un partenaire «sérieux et exigeant». Pour cela, «il faut augmenter la concurrence de l’économie européenne et davantage investir dans notre concurrence», notamment dans les domaines de l’énergie et de l’IA. Pour ce qui est de l’Ukraine, Szymon Holownia a appelé à une paix juste et à ce que l’agresseur «ne sorte pas gagnant». Il a annoncé qu’il ferait de son possible pour que la Pologne obtienne des contrats de reconstruction, mais aussi que l’Ukraine autorise les exhumations en Volhynie et procède à des transferts de technologies de défense au bénéfice de la Pologne.
Durant sa déclaration finale, le centriste, dont le parti est allié à celui d’Emmanuel Macron, a défendu son bilan en tant que président de la chambre basse polonaise et a appelé à choisir la «troisième voie», rejoignant par là le projet de Slawomir Mentzen de faire exploser le «duopole» PO-PiS.
Magdalena Biejat
.La candidate de la gauche de gouvernement a axé son discours autour du progressisme sociétal et de la construction de logements sociaux. Elle a souhaité que les régions construisent davantage d’appartements et imposer aux banques de diminuer leurs taux de crédit.
Pour «sauver» la démographie polonaise, elle propose, comme Rafal Trzaskowski, de libéraliser l’accès à l’avortement, d’améliorer les conditions de travail, de construire des logements et des crèches.
Elle a mis en avant la constance de ses idées et a continué d’argumenter en faveur de l’augmentation des acquis sociaux et de l’«aide» aux femmes. Magdalena Biejat a affirmé que la Pologne avait une opportunité de gagner en influence au sein de l’Union européenne grâce à l’affaiblissement relatif de la France et de l’Allemagne. Elle a soutenu l’idée d’un grand marché européen afin de concurrencer les Etats-Unis, de manière à «préparer le nouvel ordre mondial énergétique». Elle a proposé d’utiliser les actifs russes gelés au bénéfice de l’Ukraine.
Au cours de sa déclaration finale, elle a remis l’accent sur les logements sociaux, l’avortement, le PACS et la réduction du temps de travail.
Adrian Zandberg
.Tout comme Magdalena Biejat, Adrian Zandberg, candidat de la gauche d’opposition à l’election présidentielle polonaise, a milité pour la construction de logements sociaux. Ce sujet a cependant pris davantage de place chez lui, au détriment des réformes sociétales, présentes malgré tout. Il n’a pas hésité à renvoyer dos à dos la PO et le PiS au sujet de la crise du logement et a proposé de consacrer 1% du PIB aux nouvelles constructions.
Comme les autres candidats de gauche, il s’est montré favorable à la libéralisation totale de l’avortement jusqu’à la 12ème semaine de grossesse. Selon lui, l’Etat doit avoir davantage la main sur l’économie du pays, via notamment une politique de grands investissements.
Il a attaqué Rafal Trzaskowski sur le bilan du gouvernement de centre-gauche en matière de népotisme. Le candidat de la PO a répondu que le parti d’Adrian Zandberg avait refusé de faire partie du gouvernement et avait donc renoncé à peser sur la politique du pays.
Le président de Razem s’est montré favorable au développement du nucléaire et à ce que la Pologne s’investisse dans les grands projets européens. Il a qualifié la «guerre commerciale de Donald Trump» de «fin du libéralisme global» et a proposé d’instaurer davantage d’étatisme et de protectionnisme. Comme la plupart des autres candidats, il voit l’impérialisme russe comme une menace et souhaite que l’Ukraine puisse maintenir sa souveraineté, tout en appelant à une «paix juste».
Enfin, comme Slawomir Mentzen et Szymon Holownia, il a critiqué la «guerre perpétuelle entre la PO et le PiS», les deux plus grands partis polonais.
Conclusions, à quelques jours de l’élection présidentielle polonaise
.Ce sixième et dernier débat avant le premier tour de l’élection présidentielle polonaise a été l’occasion pour les candidats de se mettre une dernière fois en avant face à leurs concurrents. L’émission a été riche en confrontations directes et en provocations. Le candidat indépendant Krzysztof Stanowski a pointé avec brio la malhonnêteté des médias publics et du système politique global. Slawomir Mentzen et Szymon Holownia se sont une fois de plus affrontés pour la troisième place et l’électorat lassé de la „guerre PO-PiS”. Adrian Zandberg et Magdalena Biejat ont affiché leur volonté de s’approprier le vote de gauche. Enfin, les échanges entre Karol Nawrocki et Rafal Trzaskowski, les deux favoris, ont été explosifs, notamment autour des questions de moralité.
Les commentateurs ont mis en avant la bonne préparation des candidats, mais ont remarqué la fatigue de Rafal Trzaskowski et les hésitations de Magdalena Biejat. Les journalistes qui dirigeaient le débat ont, eux, été accusés avec raison de poser des questions tendancieuses. Le premier tour de l’élection présidentielle polonaise se déroulera le 18 mai 2025.
Nathaniel Garstecka