
Saint Jean-Paul II – le grand Bâtisseur de ponts
Le mot « pontificat » vient du titre papal traditionnel Pontifex – Bâtisseur de ponts. Ce terme symbolique est peut-être l’une des clés les plus importantes pour comprendre la richesse des réalisations de Jean-Paul II.
.«C’est incroyable, ce qui nous est arrivé !» – cette remarque spontanée de Jean-Paul II, émise en 1999 lors d’une visite historique au Parlement de la République de Pologne, a acquis la force d’un symbole et continue d’inspirer la réflexion. C’est parce qu’elle frappe juste, constituant une synthèse de ce pontificat extraordinaire, du destin de la Pologne et des Polonais, et de l’histoire du monde moderne. Réfléchissons aussi au message qu’elle contient – aujourd’hui, à l’occasion du 105e anniversaire de la naissance de saint Jean-Paul II et un mois et demi après le 20e anniversaire de sa mort.
Pour bien comprendre la réflexion du pape polonais, il faut la placer dans son contexte. Jean-Paul II faisait référence aux paroles de l’hymne national, créé en 1797, lorsque notre pays était absent de la carte de l’Europe parce qu’il fut divisé entre trois puissances occupantes. À cette époque critique, le général Jan Henryk Dąbrowski organisa les Légions polonaises en Lombardie, formées de patriotes en exil. Cette armée apporta à notre nation l’espoir de retrouver son indépendance, représentant les idées de liberté – sur les épaulettes de leurs uniformes, les légionnaires portaient le fier slogan « Les hommes libres sont frères ». Le chant entraînant La Pologne n’a pas encore péri tant que nous vivons écrit spécialement pour eux, fut hissé au rang d’hymne national.
Deux cents ans plus tard, dans le bâtiment du parlement de la République de Pologne, désormais indépendante, notre grand compatriote, arrivé du Vatican pour un voyage apostolique, a fait référence au refrain de ce chant : « Marche, marche, Dąbrowski, de la terre italienne vers la Pologne ». Et d’ajouter, sur un ton de plaisanterie, en faisant référence à sa soutane blanche – signe de dignité papale : « Personne ne s’attendait à ce que cela se fasse dans un tel uniforme. C’est incroyable, ce qui nous est arrivé ! »
En effet, l’histoire accélère parfois d’une manière difficile à imaginer. Jean-Paul II a laissé une marque énorme et indélébile sur ce tournant historique. Élu le 16 octobre 1978, il fut le premier chef de l’Église non originaire d’Italie depuis plus de 450 ans. Plus significatif encore est qu’il a entrepris sa mission en venant de derrière le rideau de fer qui divisait l’Europe pendant la guerre froide. Pour les Polonais et les autres nations soumises à la domination soviétique, ce fut un moment d’une signification profonde, porteur de joie et d’espérance. Surpris, le monde vivait cela dans l’incertitude quant à l’évolution future des événements. Nous allions tous bientôt constater que nous étions en train de vivre un véritable phénomène appelé l’ère Jean-Paul II. Dans le pontificat du Pape venu « d’un pays lointain », presque tout s’est avéré nouveau et révolutionnaire.
Le mot « pontificat » vient du titre papal traditionnel Pontifex – Bâtisseur de ponts. Ce terme symbolique est peut-être l’une des clés les plus importantes pour comprendre la richesse des réalisations de Jean-Paul II. Notre grand compatriote – pasteur et théologien, philosophe, mystique, artiste, homme d’État et visionnaire exceptionnel – s’est consacré avec une foi fervente au renforcement de la communauté catholique, mais aussi à la construction de ponts entre les gens de religions, de nations et de cultures différentes. Il était particulièrement prédestiné à cette mission en tant que l’un des partisans de l’ouverture de l’Église au monde, entreprise lors du concile historique Vatican II. Il se souvenait bien, y ayant survécu, de la tragédie de deux totalitarismes – le brun et le rouge – qui, dans la folie idéologique du chauvinisme et du racisme ou de la lutte des classes, proclamaient la haine et le mépris des gens considérés comme des ennemis. En même temps, il portait dans son cœur le magnifique héritage de la République plurinationale des XIVe-XVIIIe siècles – un immense État qui ne fut pas créé à la suite de conquêtes, mais d’un accord politique entre les nations d’Europe centrale, et qui était basé sur les principes du parlementarisme, de la démocratie et de la tolérance. Le pape polonais voyait dans cette ancienne République presque le précurseur de l’Union européenne d’aujourd’hui. Ce sont ces expériences et ces convictions – combinées à une foi et une force d’esprit énormes – qui ont permis à Jean-Paul II de remporter des victoires historiques aussi spectaculaires.
L’histoire a discrédité la question moqueuse posée par Staline avec une arrogance impériale : « Le Pape, combien de divisions ? ». La violence nue s’est avérée impuissante face au message évangélique « N’ayez pas peur ! », que Jean-Paul II a prononcé lors de l’inauguration de son pontificat et qui a guidé ses actions pendant près de 27 ans de son ministère. Jean-Paul II a énormément contribué au renversement du communisme, à la libération de la Pologne et d’autres pays d’Europe centrale et orientale, à la chute de l’empire soviétique du mal, à l’élimination des divisions en Europe et à son unification.
L’héritage du Bâtisseur de Ponts – du Pape de la Liberté et de la Solidarité – demeure une inspiration constante pour voir dans l’Autre un être humain avant tout et pour rechercher sans relâche ce qui unit et rend le monde meilleur. Avec une énergie inépuisable, Jean-Paul II a franchi toutes les frontières, tous les seuils et toutes les barrières. Au cours de 104 voyages apostoliques à l’étranger, en plus de déplacements extrêmement fréquents en Italie, il a visité 129 pays du globe entier, apportant le message de paix également dans des lieux en proie à des tensions et des conflits. Nous, Polonais, garderons toujours dans nos cœurs le souvenir des neuf pèlerinages du pape dans sa patrie, car chacun d’entre eux était pour nous une fête spirituelle. Il était un défenseur de la compréhension œcuménique ainsi que le premier dirigeant de l’Église catholique à entrer dans une synagogue et une mosquée pour rendre hommage aux autres grandes religions monothéistes. Il a conduit l’Église dans le troisième millénaire sans hésiter à confesser ses transgressions et ses erreurs historiques. En favorisant le dialogue entre la foi, la science et la culture, il a laissé un riche héritage d’enseignement sur la compréhension chrétienne de l’homme en tant que personne, la vision du mariage et de la famille, la dignité du travail, le patriotisme et la dimension éthique de la politique et des relations internationales. En ces temps troublés, puisse son appel lancé en 1995 au siège des Nations Unies résonner constamment dans nos consciences : « Nous devons vaincre notre peur de l’avenir. Mais nous ne pourrons la vaincre entièrement qu’ensemble. »
.Je suis convaincu que le 105e anniversaire de la naissance de Karol Wojtyła – Saint Jean-Paul II – est un événement qui unit toutes les personnes de bonne volonté dans la lutte pour un avenir commun meilleur. Non seulement nous, Polonais, mais aussi nos prochains innombrables du monde entier se souviennent des moments émouvants de rencontre avec le Pape et restent reconnaissants pour les dons de sagesse et d’encouragement reçus. Nous avons le fort sentiment que l’appel au renouveau spirituel proclamé par notre grand compatriote n’appartient pas à l’histoire, mais indique constamment la voie vers l’avenir. Puissions-nous, dans les décennies qui s’ouvrent devant nous, avec joie, confiance et fierté répéter après Lui : « C’est incroyable, ce qui nous est arrivé ! »