Abp Adam SZAL: Les Ulma, un signe du temps pour le monde d’aujourd’hui

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Abp Adam SZAL

Ecclésiastique catholique, docteur en théologie, recteur du Séminaire de Przemyśl en 1996–2001, évêque auxiliaire de Przemyśl en 2000–2016, archevêque métropolitain de Przemyśl depuis 2016.

.La béatification de Józef et Wiktoria Ulma et de leurs sept enfants a soulevé des questions. Pourquoi est-ce seulement maintenant qu’on se remémore l’attitude évangélique et le martyre de cette famille polonaise ? Pourquoi a-t-il fallu attendre tant de décennies pour que soit posée, au sein de l’Église catholique, la question de leur élévation sur les autels ?

De nombreuses réponses à ces questions seraient possibles. Certains feraient référence au contexte historique, d’autres au contexte géopolitique. Pour les croyants, l’argument qui prévaut est certainement celui de la foi et de l’encouragement qui en découle à lire les signes des temps et la guidance providentielle de l’homme moderne par Dieu lui-même. En effet, Dieu enseigne, exhorte et inspire à travers des événements qu’il faut « lire » dans le contexte de l’histoire du salut dans laquelle s’inscrivent tant notre vie présente que le monde contemporain. Dieu n’est pas silencieux dans le destin du monde. Au contraire, à travers des événements, des personnes, des inspirations, il nous donne des indices sur le monde qui, à bien des égards, est aujourd’hui en crise. Même sans analyse sociologique détaillée, nous observons un chaos axiologique, le drame de familles éclatées ou asservies par les addictions, la montée de conflits culturels ou internationaux, le manque de respect de la vie humaine. Faire demi-tour sur le chemin menant à la crise voire au crépuscule de la civilisation ouest-européenne semble difficile, mais pas impossible. Les voies de renaissance du monde peuvent être une réflexion approfondie sur la famille et tout un ensemble de dispositifs éducatifs et juridiques visant à son renouvellement et sa mise en valeur dans le débat social. Pour atténuer les problèmes du monde contemporain il nous faut en effet des familles fondées sur la base solide de la foi, de l’espérance et de l’amour.

Il y a cent ans, le saint polonais Józef Sebastian Pelczar, voyant les problèmes du monde qui l’entourait, a indiqué une voie importante afin de régénérer la société : il a proposé de mettre en valeur la famille. Dans une lettre pastorale de 1920, il notait que la famille est « un temple vivant, la première école de la vie (…), l’un des fondements sur lesquels repose l’édifice de la société. » Il invitait également les familles catholiques à « se vouer au Sacré-Cœur de Jésus, avec cette conviction que si la démarche est sincère, efficace et permanente, c’est-à-dire si tous les membres de la famille vivent pieusement, en observant fidèlement les commandements divins et ecclésiastiques et en accomplissent consciencieusement leurs devoirs, et surtout si les parents élèvent leurs enfants d’une manière vraiment catholique, tous recevront du Cœur de Jésus des grâces abondantes, en particulier une aide dans les combats quotidiens, un réconfort dans la souffrance, une protection dans notre condition orpheline, une espérance à l’heure de la mort et un salut dans l’éternité. »

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Il faut supposer que, conformément aux coutumes de l’époque, les murs de la maison de Józef et Wiktoria Ulma étaient ornés d’une image sainte représentant le Sacré-Cœur de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie. Cette famille a grandi dans une atmosphère de foi, d’espérance et d’amour. À l’exemple de Jésus, dont le Cœur est ouvert à tous, ces Serviteurs de Dieu ont accueilli leurs voisins juifs dans le besoin. Leur acte héroïque, façonné par le modèle du message évangélique du Bon Samaritain, a eu pour eux des conséquences dramatiques de la part de l’occupant allemand. L’amour puisant dans le Cœur de Jésus a surmonté leurs peurs et leur a donné naissance à une « vie nouvelle ».

Comme il ressort du déroulement du procès de béatification, les Ulma, parents et enfants, ont eu recours aux moyens proposés par l’Église catholique et disponibles à tous pour mener la vie religieuse. Ils se distinguaient, entre autres, par le fait qu’ils avaient accès à de nombreuses publications religieuses, tout en explorant les textes de l’Écriture Sainte, et qu’ils menaient une existence nourrie par les sacrements.

Le pape François, lors de l’audience générale du 28 novembre 2018, nous invitait à ce que « cette famille nombreuse de Serviteurs de Dieu, en attente de leur béatification, soit pour tous un exemple de fidélité à Dieu et à ses commandements, d’amour du prochain et de respect de la dignité humaine. » Une vie vécue selon les règles données par la Révélation de Dieu, l’observation des dix commandements et du commandement de l’amour du prochain conduit à l’ouverture du cœur, notamment envers les exclus, les méprisés, les malades.

En regardant la famille Ulma, des « saints dans la normalité », nous voyons leur vie selon la clé du signe des temps et comme un message d’espérance pour le monde d’aujourd’hui. Leur vie familiale, enrichie par la grâce de Dieu, marquée par l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance (cf. Ga 5,22-23) reste un encouragement pour que chacun des nous, réalisant sa vocation propre, de prime abord grise, typique et banale, tend à réaliser la vocation universelle à la sainteté.

La famille de Józef et Wiktoria Ulma est une inspiration pour l’homme contemporain à s’ouvrir à la communauté et au rôle de la famille comprise comme une relation entre un homme et une femme, fondée sur le sacrement du mariage. Elle enseigne l’ouverture et le respect de la vie acceptée comme un cadeau, même dans des conditions historiques ou économiques tendues. Malgré la guerre, le contexte difficile et les possibilités limitées d’améliorer leur situation matérielle, Józef et Wiktoria Ulma ont fait de leur mieux pour offrir à leurs enfants des conditions de vie décentes, leur apprendre à travailler et puiser la joie de vivre de ce qu’ils possédaient et partageaient avec les autres. Ils étaient conscients que la terre était mère nourricière offrant de la nourriture à eux et à tous ceux qui attendaient le pain produit par le paysan polonais. Ils étaient en effet amoureux de la terre polonaise. Les époux étaient ouverts à de nouvelles initiatives sociales, religieuses et culturelles. Leur attitude nous encourage à nous impliquer dans les affaires de la communauté locale dans laquelle nous vivons et dans les initiatives qui construisent des citoyens de notre patrie.

.En évoquant la « parole » de Dieu enracinée dans une époque et une histoire données, l’Église, à travers l’acte de béatification de la famille Ulma, veut lire et transmettre la « voix » de Dieu clairement interprétée et nous encourageant à mener une réflexion sur nos familles. Avec la famille et à travers la famille, dans une vie vécue selon les modèles évangéliques, se produit une authentique transformation intérieure de la personne, qui à son tour conduit à la transformation des milieux de travail, des communautés locales et de la nation. La famille des futurs bienheureux en est un exemple plus que probant.

Adam Szal

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 05/09/2023