En 2017 nous commémorons le 150e anniversaire de Marie Curie et le 120e anniversaire de sa fille Irène. Dans son nouveau cycle Wszystko Co Najważniejsze #Curie 2017 Anna BIAŁOSZEWSKA vous invite au Musée Curie à Paris
.Non loin du Jardin du Luxembourg et du Panthéon, une petite rue pleine de verdure cache le bâtiment de l’Institut du Radium – une villa où Marie Skłodowska-Curie a vécu et travaillé, avec sa fille Irène et son gendre Frédéric Joliot. Pierre Curie était mort quelques années avant que la famille y emménage – en 1906. Une famille hors pair – cinq Prix Nobel dans le domaine de la physique et de la chimie, palmarès inégalé dans l’histoire.
Le panneau d’entrée n’est pas en polonais, mais une fois à l’intérieur, on peut rencontrer de nombreux Polonais qui dans leur visite de Paris y dirigent leurs pas. Skłodowska-Curie est tout de même la Polonaise la plus connue au monde qui, grâce à des études en France, alors que c’était impossible en Pologne, a fait des découvertes pionnières aux bienfaits (et parfois aux malédictions) desquelles nous avons toujours et encore affaire.
La villa à étage fut l’accomplissement des rêves de Marie Skłodowska de posséder un laboratoire digne de ce nom – il fut inauguré en 1914. Pourtant, ses premières découvertes, faites avec Pierre Curie, ont eu lieu dans un hangar en bois et non chauffé, situé rue Lhomond, dans lequel les étudiants en médecine avaient réalisé des autopsies. C’est dans ce hangar que les chercheurs ont manipulé huit tonnes de pechblende provenant du gisement d’uranium de Jachymov, don du gouvernement autrichien, en découvrant deux nouveaux éléments – le polonium (le nom donné par Marie) et le radium (le nom donné par Pierre).
Marie s’était intéressée aux « rayons uraniques » en cherchant un sujet pour sa thèse. Ce fut le temps où le phénomène des radiations venait juste d’être identifié par les scientifiques. Quelques années auparavant, Roentgen avait découvert les rayons X, ce qui lui avait valu le premier Prix Nobel de l’histoire. Les radiations de l’uranium avaient été découvertes en 1896 par Henri Becquerel lors de ses expériences sur la phosphorescence et la fluorescence. Becquerel lui-même avait initialement jugé qu’il ne devrait pas continuer ses recherches dans cette direction – elle s’éloignait de son principal sujet d’intérêt. Ce n’est que grâce à Marie, aidée par Pierre, qu’est née la nouvelle discipline de la science : « recherches sur la radioactivité », et c’est Marie qui a créé le terme de « radioactivité ».
Paradoxalement – bien que le Prix Nobel en 1903 fût décerné aux époux Curie et à Becquerel conjointement – la plupart des thèses de Marie se sont confirmées, et celles de Becquerel se sont avérées majoritairement fausses. Il faut rappeler ici que leur « moitié » du Prix Nobel n’a été remis à Marie et Pierre Curie qu’en 1905 – avant ils n’ont pas eu le temps, occupés par leur travail. Marie a obtenu le deuxième Prix Nobel en 1911, Irène et son mari, pour leurs recherches sur la radioactivité artificielle – en 1935.
Le musée Curie à Paris a été entièrement rénové. Le legs de la fille de Marie – Ève, morte en 2007 – a permis la rénovation. L’effet final est réellement impressionnant. À l’entrée, les visiteurs se retrouvent dans une longue pièce divisée en deux parties. À gauche est présentée l’histoire de la famille Curie. Au milieu, trône la table devant laquelle toutes les expériences avaient été menées – on peut y voir, placées sous verre, les notes prises lors de ces expériences. Tous les meubles et toutes les pièces ont été très soigneusement décontaminés pour enlever toute trace de radioactivité.
Sur les murs, de grands panneaux illustrés présentent les biographies des scientifiques : Marie, Pierre, Irène et Frédéric. Un immense écran tactile placé au-dessous des photos de la famille Curie permet de situer les événements dans le temps, le tout accompagné à son tour de photos – celles plus et moins connues des visiteurs. On peut suivre la vie de Marie, depuis sa période polonaise, quand elle grandissait, poursuivait son éducation pour devenir gouvernante, travaillait, jusqu’aux événements les plus importants de sa vie privée et scientifique à elle, mais aussi de la vie de sa famille.
À gauche, le long des fenêtres, se trouvent des informations sur l’utilisation inappropriée des radiations du radium, notamment par des entreprises commercialisant toutes sortes de médicaments et de produits de beauté qui devaient avoir pour effet de donner ni plus ni moins qu’un « teint plus rayonnant ». Ces entreprises traitaient les époux Curie comme des célébrités de la science dont les découvertes pouvaient très bien se vendre. De plus, dans les publicités, on créait la mode d’utiliser le radium dans différents produits.
Pendant longtemps tous ignoraient les effets négatifs résultant de la manipulation de matériaux radioactifs – quand Marie Skłodowska-Curie a développé en 1934 une leucémie aigüe, personne n’a fait le lien entre la maladie et les radiations. Marie elle-même ne voyait pas dans sa fausse couche un quelconque lien avec les produits chimiques qu’elle avait manipulés – ses deux filles étaient nées en parfaite santé alors que c’était la période où elle travaillait intensément. Irène Joliot-Curie, après avoir établi la nocivité des radiations, enfilait dans son laboratoire des vêtements de protection, mais elle est morte, elle aussi, d’une leucémie due à l’exposition aux radiations. Il existe donc l’hypothèse que les maladies des deux chercheuses sont le résultat de leur travail avec les premiers appareils mobiles à rayons X – pendant la Première Guerre mondiale Marie et Irène ont participé à la formation du personnel médical, en effectuant elles-mêmes des milliers de radiographies, en aidant à soigner les soldats blessés, sachant que la période d’exposition a été à l’époque beaucoup plus longue qu’aujourd’hui. Tous les employés de l’Institut du Radium ont été obligés de porter des vêtements de protection et ont dû respecter des consignes de sécurité, très sévères pour l’époque.
Les recherches de Marie et Pierre Curie ont permis également des progrès en médecine. Pierre Curie a fait des expériences sur lui-même avec du radium – il s’est laissé brûler par un échantillon, pour ensuite observer la plaie et décrire le processus de cicatrisation, en prenant des notes très minutieuses. Ces expériences ont soufflé aux médecins l’idée d’utiliser les éléments radioactifs pour soigner les maladies de la peau – y compris les cancers. Cette branche de la médecine, que nous appelons aujourd’hui « radiothérapie » s’appelait à ses débuts « curiethérapie ».
Dans la partie droite – dédiée à la présentation des instruments scientifiques – on peut voir des appareils reconstruits et authentiques, qui fonctionnent toujours, et qui servent à mesurer les radiations. Le premier instrument utilisé par Marie pour quantifier les radiations était un électromètre construit selon les consignes de Pierre Curie et de son frère.
À l’arrière de cette salle, on peut pénetrer dans deux pièces conservées dans leur état originel, celui qu’a connu Marie quand elle y travaillait – son laboratoire et son bureau. Ce sont deux chambres pas très grandes, avec de lourdes armoires vitrées, dont les fenêtres donnent sur le jardin.
Tout donne l’impression que Marie devrait bientôt revenir, mettre son tablier noir en coton – que nous conaissons tous de ses photos – et reprendre les expériences arrêtées autrefois, dont elle décrira les résultats, assise devant son majestueux bureau en chêne massif.
Le petit jardin vaut aussi le détour. On y entre directement par la terrasse devant le laboratoire. Une phote grandeur nature de Marie est placée exactement là où elle avait été prise. Dans le jardin se trouve également un buste représentant les époux Curie, commémorant leur énorme impact sur le progrès de la science dont nous profitons jusqu’à aujourd’hui, en l’ignorant parfois complètement.
Marie et Pierre Curie reposent au Panthéon qui se trouve à proximité – Marie fut la première femme et étrangère, de surcroît, honorée de la sorte. Son corps est refermé dans une capsule conçue spécialement à cet effet qui protège le public contre les radiations, si importantes qu’il faudrait environ 150 ans pour qu’elles descendent à un niveau acceptable pour l’environnement. Mais le Panthéon est digne d’un article à part – tellement il le mérite !
.En 2017 nous commémorons le 150e anniversaire de Marie Curie et le 120e anniversaire de sa fille Irène. À cette occasion, le site Wszystko Co Najważniejsze va publier des articles sur la science (et pas seulement) accompagnés du hashtag « #Curie 2017 », qui seront rassemblés sur la sous-page dédiée. Nous prévoyons d’autres événements encore dont nous tiendrons au courant nos lecteurs et auxquels nous inviterons nos lecteurs PREMIUM (l’accès au compte PREMIUM est gratuit actuellement).
Anna Białoszewska
Musée Curie – Institut Curie, 1, rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris. Entrée gratuite. Heures d’ouverture : [LIEN]