fr Language FlagPrésidentielle 2025 en Pologne – troisième débat

troisième

Le troisième débat présidentiel polonais s’est déroulé sur la chaîne TV Republika, déjà organisatrice du premier. Davantage de candidats étaient cette fois-ci présents.

Troisième débat : sécurité et économie

.Ce lundi 14 avril 2025, à un mois du premier tour de l’élection présidentielle en Pologne, la chaîne de télévision TV Republika a organisé un nouveau débat, après celui du vendredi 11 avril. 10 candidats ont participé à l’émission: Karol Nawrocki, Slawomir Mentzen, Szymon Holownia, Krzysztof Stanowski, Marek Jakubiak, Artur Bartoszewicz, Marek Woch, Adrian Zandberg et Grzegorz Braun. Se sont distingués par leur absence Rafal Trzaskowski et Magdalena Biejat, les deux refusant de s’exprimer dans une télévision de droite.

Le débat était divisé en quatre blocs thématiques : sécurité, économie, santé et politique internationale, et a duré environ trois heures.

La première question concernait la sécurité de la Pologne et la façon de la préserver. Grzegorz Braun a refusé d’envoyer des soldats en Ukraine et veut normaliser les relations de la Pologne avec les pays «à l’est». Slawomir Mentzen s’oppose aussi à l’envoi de troupes en Ukraine. Il a dénoncé le manque de munitions de l’armée polonaise, «incapable de faire face à une guerre de haute intensité». Karol Nawrocki a mis l’accent sur la sécurité informationnelle en annonçant qu’il aurait à cœur de défendre la liberté d’expression. Il a en outre déclaré s’opposer au pacte migratoire européen et a appelé à expulser les immigrés clandestins. Il soutient aussi le renforcement du groupe de Bucarest 9. Comme les intervenants précédents, il refuse l’envoi de soldats en Ukraine.

Adrian Zandberg a proposé de renforcer les capacités industrielles du pays, y compris celles concernant les équipements militaires. Krzysztof Stanowski a cité de manière humoristique un fragment du livre de Rafal Trzaskowski. Marek Woch a informé que le rôle du président de la république était insuffisant en cas de guerre et que donc la question n’était pas pertinente. Artur Bartoszewicz a critiqué le manque d’équipements de l’armée polonaise et accusé les gouvernements successifs de ne pas avoir préparé les Polonais aux situations de crise. Il a souhaité que la Pologne se dote d’un porte-avion et de six sous-marins.

Szymon Holownia a d’abord rappelé que son épouse est pilote de chasse, puis il a cherché à rompre avec le criticisme des autres candidats en louant la qualité de l’armée polonaise et celle des investissements militaires du pays. Il s’est aussi opposé à des accords avec la Russie de Vladimir Poutine. Joanna Senyszyn a éloigné l’idée d’une guerre et a proposé de diminuer en conséquence les dépenses militaires à 3% du PIB, contre 5% actuellement, au bénéfice de la sécurité énergétique et de la politique sociale. Elle a aussi soumis l’idée d’une meilleure coopération diplomatique entre le président et le gouvernement. Marek Jakubiak a lui aussi dénoncé le manque de compétences du président dans le domaine militaire. Il a proposé d’adopter une nouvelle constitution afin de renforcer ses pouvoirs.

La second thème était celui de l’économie, en particulier l’éventuelle adoption de l’euro. Artur Bartoszewicz a critiqué les transferts de souveraineté à l’UE et a défendu la conservation du zloty comme «barrière de défense nationale». Il a aussi déclaré que la démographie de la Pologne doit rebondir et que sa population doit atteindre 46 millions d’habitants (contre 38 millions actuellement). Karol Nawrocki s’est aussi opposé à l’adoption de l’euro et a déclaré défendre le paiement en espèces. Il a pointé les conséquences néfastes de la trop haute inflation et proposé de baisser les impôts et les taxes (notamment ceux à visée écologique), afin de redynamiser l’économie.

Szymon Holownia a pointé les manquements des gouvernements conservateurs (2015-2023) et défendu les investissements dans les infrastructures de transport. Comme les autres intervenants, il a refusé l’idée de rejoindre la zone euro dans l’immédiat, se concentrant sur la critique des taux d’intérêts «trop élevés». Grzegorz Braun a appelé à sortir de «l’euro-kolkhoze», baisser les impôts, les taxes et les réglementations. «La Pologne aux Polonais!», a-t-il conclu. Krzysztof Stanowski a ironisé sur les déclarations des autres candidats, mais a aussi déclaré souhaiter une monnaie nationale forte et la relance de l’industrie. Marek Woch a dénoncé les promesses trahies de l’Union européenne et le trop-plein de normes. Il a refusé d’adopter l’euro. De même Adrian Zandberg, qui  a mis en outre l’accent sur les nécessaires investissements publics. Il a proposé de modifier les traités européens de façon à favoriser la construction de centrales nucléaires et de nouveaux logements. Il a aussi attaqué les «capitalistes», les «banquiers» et les «spéculateurs». Marek Jakubiak rejette le changement de devise, identifiant le zloty à la souveraineté nationale polonaise.

Slawomir Mentzen a dénoncé la «russophobie apparente» de Szymon Holownia, rappelant les liens passés du premier ministre Donald Tusk avec Vladimir Poutine. Il s’est opposé à l’euro et au recul des paiements en espèces. Il a proposé une baisse des impôts et des réglementations, une «dérégulation de l’économie». Joanna Senyszyn a remercié le défunt président Lech Kaczynski «qui a signé le traité de Lisbonne, s’engageant donc à l’adoption de l’euro». Elle a estimé que la politique de la Banque Nationale Polonaise était critiquable et que l’adoption de l’euro «nous protégerait des agissements de la Banque Nationale».

Santé et Europe

.Le troisième sujet était l’amélioration du secteur des soins. Szymon Holownia a appelé à un consensus politique sur la réparation du système hospitalier polonais. Il a déclaré que la Pologne dépensait trop peu en comparaison aux Allemands et dénoncé les projets de suppression des cotisations patronales. Adrian Zandberg a lui aussi critiqué le manque de moyens alloués à la santé. Il a proposé de porter ces dépenses à 8% du PIB, en critiquant le budget adopté par le gouvernement de centre-gauche de Donald Tusk et dont fait partie Szymon Holownia. Marek Jakubiak a appelé à «dégraisser» l’Etat polonais et à lutter contre le poids écrasant de l’administration et de la bureaucratie, et a rappelé l’urgence de la situation face au vieillissement de la population.

Slawomir Mentzen a dénoncé le manque de pertinence du système de soins polonais actuel et a proposé de l’ouvrir à la concurrence. Il a aussi proposé d’empêcher les étudiants polonais de quitter le pays tout de suite après leurs études. Krzysztof Stanowski a dénoncé l’«état déplorable» du secteur hospitalier polonais et les promesses des politiciens, tout en critiquant les cas d’avortement à 9 mois. Marek Woch a déclaré que la responsabilité du déficit de la sécurité sociale polonaise incombait à tous les gouvernements précédents. Grzegorz Braun a souhaité que la Pologne retrouve sa souveraineté en rejetant l’OMS. Il a en outre appelé à briser le monopole de la «Sécu» polonaise et refusé la libéralisation de l’euthanasie. Artur Bartoszewicz a attaqué l’inefficacité des hommes politiques et l’influence d’autres pays sur le système de soins polonais. Joanna Senyszyn s’est opposée à la diminution des cotisations patronales et a soumis l’idée d’une meilleure prévention, notamment sur la vaccination. De plus, elle a estimé que les fonds dédiés à la défense devraient être réorientés vers la santé. Karol Nawrocki a dénoncé le blocage du projet de hub aéroportuaire central (CPK) par le gouvernement de centre-gauche de Donald Tusk, dont le président de la Diète est Szymon Holownia. Il s’est aussi opposé à la privatisation du secteur des soins et à la baisse des fonds aloués.

Le quatrième thème portait sur les transferts de souveraineté en faveur de l’Union européenne. Szymon Holownia a refusé cette perspective mais a dénoncé le positionnement géopolitique de la Hongrie de Viktor Orban. Il a appelé à ce que la Pologne devienne un pays important dans cette région du monde et à s’opposer aux crimes commis par le régime de Vladimir Poutine en Ukraine. «La Pologne est forte car elle se trouve dans l’UE», a-t-il ajouté. Grzegorz Braun, de son côté, a affirmé que la Pologne avait été dépouillée de sa souveraineté et a appelé à «dé-ukrainiser» la Pologne et à «expulser Ursula von der Leyen». Marek Jakubiak a rappelé que l’Union européenne des années 2000 n’avait plus rien à voir avec celle, germanisée et centralisée, des années 2020. Il s’est opposé à la poursuite de la fédéralisation de l’UE et à l’influence allemande sur la Pologne.

Adrian Zandberg a rappelé son projet de relancer les investissements publics et à resserrer les liens européens dans cette direction. Krzysztof Stanowski a ironiquement proposé d’ouvrir les frontières pour laisser entrer les immigrés clandestins, dénonçant par là la situation tragique de l’Europe occidentale dans ce domaine. Marek Woch a déclaré que la Pologne était un pays catholique de culture gréco-latine, mais attaqué par l’«argent phénicien». Artur Bartoszewicz a proposé de renforcer l’économie et la démographie polonaises, afin d’améliorer la position du pays sur la scène internationale. «Le président doit défendre les intérêts polonais, pas ceux des autres pays», a-t-il ajouté. Joanna Senyszyn a déploré l’insuffisance de l’intégration européenne, tout en proposant de maintenir un semblant de souveraineté nationale. La fédéralisation communautaire est selon elle nécessaire, afin de se mettre à l’abri de «l’imprévisibilité américaine».

Karol Nawrocki a ciblé le gouvernement de Donald Tusk, l’accusant d’être trop aligné sur les intérêts allemands. Il a aussi appelé à repousser la Russie nostalgique du soviétisme et l’établissement d’un partenariat avec l’Ukraine. Il s’est enfin opposé à la poursuite de la centralisation bruxelloise. Slawomir Mentzen a refusé de céder le droit de véto national au niveau européen. Il a en outre proposé de rejeter le Green Deal et le pacte migratoire, dénonçant la hausse de la criminalité en Europe occidentale, provoquée par l’immigration massive.

Genre et réforme électorale

.Les candidats ont été amenés à répondre à deux questions supplémentaires. La première était : «combien y a-t-il de sexes»? Artur Bartoszewicz a attaqué le marxisme culturel qui a mené à l’idéologisation de la société et a défendu la liberté d’expression. Slawomir Mentzen a aussi répondu «deux» et critiqué les accointances de Rafal Trzaskowski avec les milieux homosexualistes. Il s’est opposé à l’entrisme homosexualiste dans les écoles et aux opérations de changement de sexe des mineurs: «il faut défendre les enfants», a-t-il conclu. Adrian Zandberg a porté le débat sur le pouvoir d’achat et les problèmes de logement. Il a appelé au respect des «citoyens différents».

Karol Nawrocki a confirmé qu’il n’y avait que deux sexes et que le mariage ne pouvait être qu’hétérosexuel, ciblant lui aussi Rafal Trzaskowski et ses projets d’idéologisation de la société. Krzysztof Stanowski a à nouveau ironisé sur la question, tout en déclarant au final qu’il n’y avait que deux sexes. Marek Woch a rappelé que ces idées de genre ne s’étaient répandues que récemment et que «nous vivions très bien sans ça». Joanna Senyszyn a déclaré qu’il y avait davantage de sexes, en citant par exemples les hermaphrodites. Elle a aussi dénoncé les «obsessions de la droite à l’égard du genre, c’est-à-dire du sexe culturel».

Szymon Holownia a déclaré qu’il n’y avait que deux sexes, mais a ajouté qu’il faut accompagner les enfants qui «estiment avoir un autre genre», et a ciblé «ceux qui véhiculent la haine». Grzegorz Braun a dénoncé les «pervers» et les «désaxés», et appelé à emprisonner les «propagandistes du genre». Marek Jakubiak a souligné que «notre civilisation se fonde sur l’idée qu’il y a juste l’homme et la femme». Il a refusé de céder aux revendications homosexualistes, tout en précisant respecter chaque individu.

La seconde question supplémentaire concernait d’éventuels changements du système électoral polonais afin de faire baisser l’abstention. Artur Bartoszewicz a appelé à l’organisation de referendums réguliers. Slawomir Mentzen a proposé de réformer le système de recueil des signatures pour pouvoir être candidat à l’élection présidentielle, ainsi qu’à donner davantage de rôle aux referendums. Adrian Zandberg a déclaré qu’il fallait «baisser l’influence de l’argent sur la politique polonaise». Karol Nawrocki a annoncé qu’il défendrait la politique sociale du gouvernement conservateur et a proposé de faciliter le retour des Polonais expatriés qui le souhaiteraient. Enfin, il a lui aussi proposer d’en appeler plus souvent aux referendums. Krzysztof Stanowski a, comme la plupart des candidats, déploré que les citoyens étaient trop peu écoutés. Marek Woch a proposé d’abaisser le seuil de participation à partir duquel un referendum est contraignant et d’instaurer une limitation des mandats de député à deux. Joanna Senyszyn s’est opposée à une réforme électorale qui instaurerait le scrutin uninominal à deux tours et s’est opposée à la systématisation des referendums. Szymon Holownia a défendu son bilan en tant que président du Sejm polonais. Il a proposé de rendre le referendum obligatoire en cas d’obtention de 2 millions de signatures pour un projet et a proposé d’abaisser le droit de vote à 16 ans. Grzegorz Braun a soumis l’idée d’un retour de la peine de mort et de l’instauration d’un régime présidentiel. «Mort au judéobolchévisme!» a-t-il lancé. Marek Jakubiak a lui aussi proposé une réforme profonde du système électoral polonais.

Troisième débat: qui a gagné, qui a perdu ?

.Comme dans le cas des débats précédents, les absents sont les grands perdants. Cela concerne en particulier le candidat gouvernemental Rafal Trzaskowski et la candidate de la gauche progressiste Magdalena Biejat. Parmi les présents, Szymon Holownia a eu cette fois-ci davantage de difficultés à repousser les attaques, mis sous pression par Slawomir Mentzen notamment. Karol Nawrocki a su éviter de se voir associé au bilan des gouvernements conservateurs du PiS, n’étant pas lié officiellement au parti conservateur. Les candidats les plus sollicités durant ce troisième débat ont logiquement été ceux se situant le plus haut dans les sondages : Karol Nawrocki, Slawomir Mentzen et Szymon Holownia, ce qui a donné lieu à plusieurs accrochages verbaux. Plusieurs petits candidats ont pu s’exprimer, comme Artur Bartoszewicz et Marek Woch, mais sans marquer les esprits. L’effet de «découverte» étant passé, Joanna Senyszyn n’a sans doute fait aussi bonne impression qu’au cours des évènements du vendredi 11 avril. Adrian Zandberg, concurrent de Magdalena Biejat à gauche, n’a pas su s’imposer. Grzegorz Braun n’a été en mesure de rivaliser qu’en multipliant les excès, afin d’attirer le vote anticonformiste. Krzysztof Stanowski et Marek Jakubiak ont assumé efficacement leur rôle particulier et leurs positions.

Slawomir Mentzen a sans doute marqué des points, rattrapant le retard pris du fait de son absence aux précédents débats. Karol Nawrocki a correctement résisté et peut probablement aussi être compté parmi les gagnants. Les sondages qui sortiront dans les jours qui suivent confirmeront certainement quels sont les candidats qui ont tiré le plus profit de ce troisième débat.

Dans la foulée, les journalistes de TV Republika ont annoncé que la chaîne organisera un nouveau débat avant le premier tour, le 9 mai 2025, puis sans doute un durant l’entre-deux-tours.

Nathaniel Garstecka

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 15/04/2025