Nicolas LECAUSSIN: Des parias aux sauveurs de l’Europe ?

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Nicolas LECAUSSIN

Directeur de l’IREF, Nicolas Lecaussin est diplômé de Sciences-po Paris, ancien président de l’iFRAP (Institut Français de Recherche sur les Administrations Publiques), fondateur de l’association Entrepreneur Junior et auteur de plusieurs ouvrages sur le capitalisme, l’Etat et les politiques publiques: Cet Etat qui tue la France (Plon, 2005), L’absolutisme efficace (Plon, 2008), Au secours, ils veulent la peau du capitalisme ! (First Editions, 2009), A quoi servent les riches, coauteur (Lattès, 2012), L’obsession antilibérale française, Anti-Piketty, coauteur (libréchange, 2015).

Ryc.Fabien Clairefond

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Il est vrai, la maladie du communisme a infecté les peuples d’Europe centrale et orientale mais le sang européen s’est régénéré tout seul. Plus ces peuples ont été isolés, plus leur désir d’Europe a été fort. Le retour à la normalité aurait dû être une formalité mais le terrible retard économique et la misère engendrée par le communisme l’ont rendu très difficile. Il est impossible de redevenir les Européens d’il y a 100 ans, cette période d’avant le communisme. Les peuples du centre et de l’est sont restés européens mais des européens infirmes, rongés par la maladie communiste. Il faudra encore du temps pour guérir complètement – ecrit Nicolas LECAUSSIN

.Dans les faits, l’expression Europe centrale et orientale est fausse car cette partie de l’Europe n’a jamais existé. Le terme de Mitteleuropa est ancien, il est vrai, mais a varié en fonction du jeu diplomatique et des conquêtes de grands pouvoirs. L’Europe de l’Est est une notion purement factice créée artificiellement en 1945 lors de la partition du continent entre l’Est et l’Ouest. Une partie du continent a été arrachée par les troupes d’occupation soviétiques comme un simple morceau de sucre et annexée à un territoire qui dépassait largement les limites de l’Europe. Du coup, les peuples ont eu l’impression d’être déracinés pendant presque un demi-siècle et le retour au bercail a signifié la normalité.

Cette division artificielle entre plusieurs Europe fabriquée par une Histoire tragique continue à peser sur les relations internationales et sur la façon dont les individus sont perçus. « Ah, tu viens de l’Europe de l’Est… » L’exclamation vaut plus que plein d’autres adjectifs et elle est largement suffisante pour te classer tout de suite dans une certaine catégorie. Cette a priori géographique n’a jamais cessé. Il a d’ailleurs repris du poil de la bête lors de l’affaire du plombier polonais et des ouvriers du bâtiment roumains. Les Roms n’ont rien arrangé. Le Centre et l’Est sont des territoires à surveiller, des régions à contrôler et à leur imposer la technocratie de la « vraie » Europe. Lorsqu’on s’en débarrassera de ces craintes, l’Europe centrale et de l’Est disparaîtra réellement.

Mais la question est plus grave car on peut justement se demander ce que signifie encore l’Europe aujourd’hui. Il y a des siècles, l’Europe c’était la conversion au christianisme. Aujourd’hui, c’est la monnaie unique et les fonds européens. Son président qui ne veut pas reconnaître les racines chrétiennes du continent rend par contre hommage à Karl Marx dont l’idéologie a ensanglanté toute l’Europe centrale et orientale ainsi qu’une grande partie du monde! Qui est plus européen ?? Celui qui cautionne une utopie criminelle ou celui qui en a souffert pendant des décennies et s’est battu pour survivre ?

Ce n’est même plus la « nouvelle Europe » contre la « vieille Europe » mais la « vraie Europe » contre la « fausse Europe » !

Il est vrai, la maladie du communisme a infecté les peuples d’Europe centrale et orientale mais le sang européen s’est régénéré tout seul. Plus ces peuples ont été isolés, plus leur désir d’Europe a été fort. Le retour à la normalité aurait dû être une formalité mais le terrible retard économique et la misère engendrée par le communisme l’ont rendu très difficile. Il est impossible de redevenir les Européens d’il y a 100 ans, cette période d’avant le communisme. Les peuples du centre et de l’est sont restés européens mais des européens infirmes, rongés par la maladie communiste. Il faudra encore du temps pour guérir complètement.

Mais, paradoxalement, le cœur de l’Europe semble battre de plus en plus au centre et à l’est. La bureaucratie, la technocratie, les réglementations, certains oukases de Bruxelles ont fait de l’Europe un continent sans âme, sans rêve. Le rejet de son passé et de ses racines l’ont transformée en un corps sans souffle. Malgré son apport indéniable à la prospérité économique, à la mise en place des réformes libérales, à l’ouverture à la concurrence dans de nombreux secteurs économiques, l’Europe n’a pas su convaincre ses habitants. Le politiquement correct et les discours coupés des réalités ont rendu les peuples méfiants. L’oublie des spécificités nationales et des coutumes ont poussé ses habitants dans les bras des adversaires de l’Europe. A force de parler tout le temps de l’Europe, on a dégouté l’auditoire. A force de vouloir en faire un miracle, on en a fait un repoussoir. Certains, comme moi, on découvert dans cette Europe des intellectuels et des politiques marxisants qui n’ont tiré aucune leçon de la chute du communisme. Des médias anti-libéraux et anti-américains et une école au service de la propagande gauchiste. Un Etat tentaculaire et une bureaucratie qui s’occupe de tout et sait mieux que les individus ce qui est bon pour eux et ce qui ne l’est pas. Ce n’est pas l’Europe que je m’imaginais.

Je pensais que le danger venait de l’Est et non pas de l’autre côté de l’océan Atlantique d’où a surgi la liberté. Or, je découvre qu’il est normal de piétiner l’occupant de la Maison Blanche tout en faisant des courbettes à l’autocrate du Kremlin.

Ce n’est pas ce qu’on s’imaginait en 1989. Jeunes, on pensait pouvoir réussir et être récompensés mais on voit que l’Etat nous prend plus de la moitié de ce qu’on gagne. Ce n’est pas l’Europe que je voulais.

L’Europe d’aujourd’hui est en train de se suicider politiquement et humainement. L’immigration musulmane était déjà présente parmi ses populations mais la nouvelle vague a encore plus accentué le hiatus entre les pouvoirs politiques et les habitants. Un peu partout en Europe, le vote devient populiste et protestataire. Si ça continue, il sera même extrémiste… Un ami français plus âgé que moi me dite régulièrement : « L’avenir de l’Europe est à l’Est ». C’est là qu’il y n’y a pas d’immigrés et que les Troupes de l’OTAN sont en force. Les leaders européens n’ont pas encore compris qu’on ne peut pas acheter les peuples avec les aides européennes. Les régions britanniques qui ont le plus voté en faveur du Brexit sont aussi celles qui ont reçu le plus d’aides de la part de Bruxelles ! Le sentiment anti-européen commence aussi à prendre forme dans les pays d’Europe centrale et de l’Est malgré les fonds européens. Les réglementations et les normes font oublier ces fonds. La peur de l’immigration et des taxes et autres impôts interrompt le rêve européen. D’un côté les flat tax à 10, 13 ou 16 %, de l’autre, des taux d’imposition jusqu’à 65 %. Les charges sociales représentent souvent en France presque l’équivalent du salaire net ; dans les pays de l’autre Europe, elles n’en dépassent pas 50 % ! Qui dit mieux ?

.La vraie Europe n’est qu’un tout composé d’Etats nations. Ce ne sont pas les remontrances de Bruxelles mais l’union autour de plusieurs valeurs. D’un côté, à l’Ouest, il faut respecter et reconnaître les ingrédients de l’Europe, reconnaître l’avenir du continent vers plus de libertés et, de l’autre, au centre et à l’Est, il faut accepter certains changements, se débarrasser des tares du passé communiste et avoir une attitude plus constructive sans renier ses convictions. Faisons l’Europe sans le ressentiment. Elle n’est pas un monolithe mais une assemblée qui partage les mêmes valeurs.

Nicolas Lecaussin

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 07/06/2018