En voyageant entre l’Est et l’Ouest, je vois l’Europe se tendre, et lorsque je me tourne vers l'axe Nord-Sud, je le vois qui commence à se briser. L’Est et l’Ouest : des expériences différentes, des priorités différentes, des caractères nationaux différents car fortement conditionnés, selon les chercheurs, et par le climat et par la nourriture, mais sans doute aussi par l'histoire des uns et des autres. En voyageant, en parlant avec des habitants de l’Europe, en lisant la presse locale, en zappant les chaînes de télévision (celles globalisées aussi: CNN, Euronews ou Russia Today), j’observe l’immensité de forces qui font pression sur l’Europe et les Européens. Les histoires qu’elles leur racontent. La façon dont tantôt elles déchiffrent tantôt elles réécrivent l’histoire des pays. Les tentatives d’influer sur les attitudes, en faisant de l’Europe – au moins depuis 1968 – un laboratoire social, en formatant et reformatant sans cesse, en essayant de créer le citoyen idéal de l’espace « entre Lisbonne et Vladivostok ».  

Les cent ans de l’Europe ce sont cent ans de tensions. C’est avoir créé un espace pour des idées et des querelles, ce sont cent ans de ravages et d’abominables totalitarismes. Mais les cent ans de l’Europe, c’est aussi la recherche d’alliés et la création d’alliances. Combien ils sont précieux et combien elles sont difficiles à obtenir, cela est particulièrement bien visible dans la zone de jonction tectonique qui part de la Finlande et traverse l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie, pour se poursuivre plus au sud.

C’est ainsi qu’est né le projet « Les cent ans de l’Europe » dans lequel nous misons sur des débats, des rencontres, des échanges d’idées. Non sans fondement, l’essentiel des actions de ce projet vise la France. C’est là-bas que l’élite intellectuelle du continent forge la pensée et – comme dirait un francophile passionné – des idées, et c’est de là-bas que résonnent les préjugés, ceux qui concernent l’Europe de l’Est aussi. C’est la raison pour laquelle nous faisons appel aux plus éminents penseurs, leaders d’opinion, créateurs, philosophes, historiens, sociologues, démographes, en leur demandant d’expliquer le phénomène de ces cent années écoulées au moment où neuf pays, dont la Pologne, célèbrent le centenaire tantôt du recouvrement, tantôt de l’acquisition de l’indépendance; le centenaire de la formation des bases sur lesquelles repose actuellement l’Europe. En cherchant ce qui unit. En cherchant des alliés.

« Les cent ans de l’Europe » est un projet réalisé par la section française de l’Institut des Nouveaux Médias à Paris en coopération avec la prestigieuse grande école parisienne INALCO et le Ministère des Affaires étrangères polonais. Débats, rencontres, analyses et textes préparés spécialement à cette occasion, pour nous, formeront la base qui permettra non seulement de photographier l’état des relations entre l’Ouest et l’Est, d’identifier les malentendus les plus importants et les stéréotypes les plus ancrés, mais aussi d’indiquer les directions des actions à prendre, de mobiliser les gens qui comprennent la nécessité d’agir ensemble face à des problèmes et des dangers somme toute assez similaires quel que soit l’espace intra-européen de référence.

Eryk MISTEWICZ

Marjorie PISANI: La désunion de l’Union. Entre émulation et émancipation
Marjorie PISANI

Marjorie PISANI

La désunion de l’Union. Entre émulation et émancipation

Cet article n’a pas pour objectif de faire les louanges de l’Union Européenne, ni de la blâmer. Le système présente ses propres failles, et ne constitue pas une fin en soi, mais en tant que citoyenne française, je suis aussi citoyenne européenne et très attachée aux valeurs qu’elle promeut. Je suis pour une Europe unifiée, élargie, mais une Europe qui sait donner la voix aux plus « petits » afin de nous faire grandir, tous ensemble.

Prof. Michał KLEIBER: Nous devons protéger l’espace Schengen
Prof. Michał KLEIBER

Prof. Michał KLEIBER

Nous devons protéger l’espace Schengen

L’idée Schengen ne pourra être sauvée que par un accord entre les pays membres de l’UE sur la question des migrants, de ceux qui y sont déjà et ceux qui y viendront dans le futur.

Philippe FABRY: Le monde selon les deux Europe
Philippe FABRY

Philippe FABRY

Le monde selon les deux Europe

Un fossé à l’origine d’une vision radicalement différente du rôle mondial de l’Europe, de ses droits et de ses devoirs. Ce fossé est celui de la colonisation. Tous les pays européens situés à l’ouest de cette diagonale allant de l’Italie à la Pologne ont participé à l’expansion coloniale européenne : le Portugal, l’Espagne, le Royaume-Uni, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, l’Allemagne. Ils ont développé, dans cette entreprise, une conscience de la mission civilisatrice, du devoir de police, et plus tard une certaine culpabilité et un besoin de rédemption. On pourra objecter que l’Italie a participé à ce mouvement, en Ethiopie et en Libye, mais ce ne fut qu’une parenthèse de deux décennies étroitement associée au régime fasciste, et par conséquent moins structurant dans la mentalité italienne. 

Michał KŁOSOWSKI: Petits pays, grande liberté
Michał KŁOSOWSKI

Michał KŁOSOWSKI

Petits pays, grande liberté

Les pays baltes se sont libérés des célébrations martyrologiques, emplies de pathos et de sentiment de danger, quoique le danger soit bel et bien réel.

Cyrille BRET: L’autre Europe, mon Europe
Prof. Cyrille BRET

Prof. Cyrille BRET

L’autre Europe, mon Europe

A mesure que je parcours l’Europe, de Thessalonique à Vilnius ou de Trieste à Varsovie, mon attachement pour le continent et son identité s’approfondit. C’est que, je crois, tout Européen peut se reconnaître ici et là, dans les multiples « autres Europes » que contient notre continent.

Charles BEIGBEDER: Faisons respirer les deux poumons de l’Europe
Charles BEIGBEDER

Charles BEIGBEDER

Faisons respirer les deux poumons de l’Europe

Aujourd’hui, l’Europe est profondément divisée, d’abord parce que nous n’avons pas su accueillir les pays d’Europe de l’Est, au sortir de l’enfer soviétique. Au lieu de tendre la main dès 1991 aux pays de l’ex-bloc de l’Est et leur proposer d’intégrer une Europe fondée sur une identité de culture, nous avons attendu 2004 pour leur proposer de rallier une Europe purement économique fondée sur les critères de convergence de Maastricht. Nous avons raté la réunification de l’Europe et cela explique que certains pays comme la Pologne se sentent aujourd’hui plus proches des États-Unis que de l’Europe.

Cécile ZERVUDACKI: 'The Times They are A-Changin' ou de l'inconvénient d'être indo-européens et de n'avoir pas su le rester
Cécile ZERVUDACKI

Cécile ZERVUDACKI

'The Times They are A-Changin' ou de l'inconvénient d'être indo-européens et de n'avoir pas su le rester

Nous avons à rendre d’urgence son honneur au politique face à l’économique. Que l’élargissement planétaire du commerce des choses et de la circulation des hommes demande de penser de façon neuve les cadres du politique est une chose certaine. Mais commençons par faire l’inventaire de nos outils. Il n’est pas sûr que le bon vieil Etat de type westphalien, avec son amour de la Nation et sa méfiance des Empires soit à jeter aux oubliettes. Et apprenons à l’Union Européenne à être… Indo-européenne.

Charles GAVE: Les deux conceptions de l’Europe
Charles GAVE

Charles GAVE

Les deux conceptions de l’Europe

La seule solution, pour conserver l’Europe que j’aime , c’est-à-dire celle de la diversité,  est de procéder à ce que j’ai appelé le Bruxit (sortir Bruxelles de l’Europe) et de supprimer toutes ces créations non démocratiques dont pas un Peuple Européen ne veut. Et de retourner tranquillement à l’Europe des Nations et à la subsidiarité.

Jean-Marc DANIEL: L'Est et l'ouest de l'Europe
Prof. Jean-Marc DANIEL

Prof. Jean-Marc DANIEL

L'Est et l'ouest de l'Europe

L’Europe s’est beaucoup déchirée mais elle a toujours espéré un retour à la pax romana. La solidité de l’Union européenne repose sur sa capacité à incarner cette espérance, à permettre enfin, après tant de guerres et violence, l’affirmation d’une nouvelle pax romana. Le danger est que cette nouvelle pax romana se révèle n’être en fait qu’une pax americana.

Chantal DELSOL: La révolution conservatrice en Europe de l'Est
Prof. Chantal DELSOL

Prof. Chantal DELSOL

La révolution conservatrice en Europe de l'Est

Les sociétés d’Europe centrale se rebellent contre une modernité que voudraient leur imposer l’Union européenne. Au fond, il s’agit toujours de combattre le matérialisme, la décadence des mœurs, l’universalisme excessif, pour défendre l’enracinement, la spiritualité éthique, et les identités.

Vaira VĪĶE-FREIBERGA: Les cent ans de l’Europe. Vœux pour le centenaire de la Lettonie
Vaira VĪĶE-FREIBERGA

Vaira VĪĶE-FREIBERGA

Les cent ans de l’Europe. Vœux pour le centenaire de la Lettonie

Chaque génération a ses défis et ses possibilités, chaque génération doit prouver à nouveau ce en quoi elle croit et ce qui lui est cher. Ma génération, née dans une Lettonie indépendante, a vu l’indépendance perdue pour un demi-siècle renaître des cendres d’un autre empire du mal. Pour moi, faisant partie de ceux qui ont été poussés à quitter leur propre pays, une Lettonie libre et indépendante était durant toute ma vie un rêve qui a eu la chance de se concrétiser.

Bill WIRTZ: L’Europe centrale et de l’Est va vous surprendre
Bill WIRTZ

Bill WIRTZ

L’Europe centrale et de l’Est va vous surprendre

L’Europe centrale et orientale ont un sens de la justice, de la capacité à tolérer les choix non-conventionnels, de l’hospitalité et de la générosité, qui dépassent ceux de l’Europe de l’Ouest de manière assez remarquable. Le succès est traité avec respect au lieu d’inspirer la jalousie. Une éthique de travail professionnelle et performante s’accompagne d’une capacité à se déconnecter de façon hédonique après le travail. Les amitiés faites sont authentiques et importantes, sans compter sur une attirance pour les revirements émotionnels pour le divertissement dramatique.

Nicolas LECAUSSIN: Des parias aux sauveurs de l’Europe ?
Nicolas LECAUSSIN

Nicolas LECAUSSIN

Des parias aux sauveurs de l’Europe ?

Il est vrai, la maladie du communisme a infecté les peuples d’Europe centrale et orientale mais le sang européen s’est régénéré tout seul. Plus ces peuples ont été isolés, plus leur désir d’Europe a été fort. Le retour à la normalité aurait dû être une formalité mais le terrible retard économique et la misère engendrée par le communisme l’ont rendu très difficile. Il est impossible de redevenir les Européens d’il y a 100 ans, cette période d’avant le communisme. Les peuples du centre et de l’est sont restés européens mais des européens infirmes, rongés par la maladie communiste. Il faudra encore du temps pour guérir complètement.

Prof. Pascal SALIN: L'indépendance des pays de l'Europe de l'Est
Prof. Pascal SALIN

Prof. Pascal SALIN

L'indépendance des pays de l'Europe de l'Est

En ce qui concerne les pays de l’Europe de l’Est, on doit donc célébrer à la fois le retour à l’indépendance du pouvoir politique il y a cent ans comme il y a presque trente ans, mais aussi le retour à la liberté individuelle – ou à l’indépendance relative des individus par rapport au pouvoir politique – du fait de la chute du communisme à partir de l’année 1989.

Jacek SARYUSZ-WOLSKI: L’enlèvement de l’Europe. Identité, solidarité, subsidiarité dans la pratique de l’intégration européenne
Jacek SARYUSZ-WOLSKI

Jacek SARYUSZ-WOLSKI

L’enlèvement de l’Europe.
Identité, solidarité, subsidiarité dans la pratique de l’intégration européenne

Dans la pratique de l’UE d’aujourd’hui, on s’éloigne souvent des racines et des principes initiaux. Elle a été, en parlant au figuré, enlevée. Je garde pour une autre fois la réponse aux questions : par qui et pourquoi. En pratiquant une solidarité sélective – elle s’égare. Elle divise l’Europe, en instaurant deux vitesses et en acceptant que certains soient plus égaux que d’autres. Elle ne veut pas que les fossés entre la « vieille » et la « nouvelle » Union soient comblés, au contraire, elle en crée de nouveaux. Elle rejette la méthode des Pères Fondateurs – celle d’une intégration évolutive, incrémentale – au profit d’une méthode par à-coups, ayant pour effet la perte de confiance des citoyens et le fossé de plus en plus grand entre les élites et les citoyens.